Un second mandat de Donald Trump achèverait certainement de démolir le système économique international de l’après-Seconde guerre mondiale. Son unilatéralisme agressif, ses initiatives commerciales chaotiques, son mépris pour la coopération multilatérale et son dédain pour les biens communs globaux finiraient de mettre à bas le réseau de règles et d’institutions qui sous-tend la mondialisation. Mais une victoire de Biden permettrait-elle de réparer ce système ? Et si oui, pour quelle réparation ? C’est une question à laquelle il est beaucoup plus difficile de répondre.
Un second mandat de Donald Trump achèverait certainement de démolir le système économique international de l’après-Seconde guerre mondiale. Son unilatéralisme agressif, ses initiatives commerciales chaotiques, son mépris pour la coopération multilatérale et son dédain pour les biens communs globaux finiraient de mettre à bas le réseau de règles et d’institutions qui sous-tend la mondialisation. Mais une victoire de Biden permettrait-elle de réparer ce système ? Et si oui, pour quelle réparation ? C’est une question à laquelle il est beaucoup plus difficile de répondre.
Le désir de balayer l’héritage de Trump ne fera défaut ni aux États-Unis ni dans le reste du monde. Mais une simple tentative de restaurer le statu quo ne permettra pas de relever les principaux défis de la gouvernance mondial,e dont certains sont d’ailleurs à l’origine de l’élection de Trump. Comme le note Adam Posen, du Peterson Institute, ce n’est pas de réparation, mais de reconstruction qu’il faut parler. Celle-ci doit commencer par l’identification des problèmes auxquels le système international doit faire face.
La première priorité est d’orienter ce système vers les biens communs. La préservation des communs globaux comme le climat ou la biodiversité n’était bien naturellement pas identifiée comme un enjeu d’importance lors de la conception de l’architecture économique de l’après-1945, et (de manière plus discutable cette fois) elle est restée une priorité secondaire lors de sa rénovation partielle, dans l’après-Guerre froide. Au lieu de porter l’attention sur les liens invisibles qui nous rattachent à un destin commun, l’accent a été mis sur les liens visibles nés des échanges de biens et de capitaux. Les règles et institutions qui régissent les premiers demeurent sensiblement plus faibles que celles qui régulent les seconds.
L’intention affichée par Biden de rejoindre inconditionnellement l’accord de Paris sur le changement climatique est bienvenue, mais elle ne constituera pas, à elle seule, un programme ambitieux et applicable. Le grand nombre des acteurs et la forte tentation de reporter de l’initiative sur les épaules des autres rendent la préservation des communs globaux notoirement difficile. Même pour la santé, les solutions trouvées jusqu’ici ne sont pas à la hauteur du défi.
L’action climatique est cruciale. En l’absence d’un improbable consensus global, elle va devoir s’appuyer sur une coalition dont les membres convergent vers des objectifs concrets et sur des mécanismes d’ajustement aux frontières applicables aux échanges avec les pays tiers. La mise en œuvre sera semée d’embûches. Pour qu’elle fonctionne, il faudra s’accorder sur les mesures commerciales jugées acceptables et celles qui relèvent au contraire d’un protectionnisme déguisé : la barre est haute. L’Europe est ici sur la ligne de front, puisqu’elle a déjà exprimé son intention d’introduire un ajustement aux frontières. C’est une responsabilité majeure.
La deuxième priorité est de rendre le système économique global aussi résilient que possible face aux rivalités. Quel que soit le vainqueur des élections du 3 novembre, l’affrontement des puissances entre la Chine et les Etats-Unis continuera de dominer les relations internationales. L’analogie avec la Guerre froide qui vient à l’esprit est cependant trompeuse, car les protagonistes d’aujourd’hui sont l’un pour l’autre des partenaires économiques essentiels. Alors que la part de l’Union soviétique dans les importations américaines n’a jamais excédé une fraction de point de pourcentage, la Chine en représente actuellement 18%. Les partisans inconditionnels du découplage présentent, à tort, le développement chinois comme une menace pour la sécurité nationale américaine et veulent mettre fin à cette interdépendance dans le but de stopper la croissance chinoise. Mais comme le dit Nicholas Lardy, du Peterson Institute, un découplage général d’avec la Chine induirait des coûts élevés pour des bénéfices minimes.
La question, dès lors, est de savoir comment à la fois reconnaître la réalité des tensions géopolitiques et contenir leur interférence dans les relations économiques globales. La référence ici n’est pas la Guerre froide mais la rivalité entre Royaume-Uni et Allemagne d’avant 1914, dans le contexte de la première mondialisation. L’argument avancé à l’époque, selon lequel les liens économiques rendaient la guerre impensable, s’est révélé erroné. Mais aussi longtemps que les États s’abstiendront de mener une véritable guerre, un régime multilatéral fort pourra les aider à réprimer leurs tentations de la mener par d’autres moyens.
L’Europe est ici au tout premier rang des témoins. Elle risque de subir les dommages collatéraux de la lutte entre les deux géants. L’un comme l’autre se sont déjà livrés à des manœuvres d’intimidation à son endroit. Mais l’UE n’est pas impuissante. Elle doit et peut défendre un ordre international fondé sur des règles et mener la lutte contre la militarisation des relations économiques internationales. Comme indiqué dans un récent rapport du think tank ECFR, il faut déjà qu’elle commence à se mettre en état de résister à la coercition économique.
La troisième priorité est un système économique mondial plus protecteur des travailleurs et des citoyens. Les doutes quant à la mondialisation n’ont fait qu’augmenter avec le conflit commercial entre les États-Unis et la Chine, la montée des inégalités et la prise de conscience que, dans une situation de crise sanitaire, des économies avancées pouvaient avoir du mal à se procurer de simples masques et des médicaments d’usage courant. Les citoyens et les travailleurs veulent un système économique plus protecteur. Les gouvernants en ont pris bonne note et veulent montrer qu’ils se soucient d’eux. La question est de savoir comment.
La première réponse devrait relever des politiques internes : de l’éducation et la formation à la revitalisation des territoires et à la redistribution, les gouvernements peuvent faire beaucoup, mais ont négligé de le faire pendant l’âge d’or de la mondialisation libérale. Il est temps maintenant de changer de politiques.
L’expérience a montré, cependant, que peu de gouvernements nationaux élaborent une réponse complète s’ils ne sont pas appuyés par l’environnement global. Réduire l’évasion fiscale des multinationales et la concurrence réglementaire agressive ne sont pas des tâches que les nations peuvent accomplir seules. Il faut reconnaître que la soutenabilité de l’ouverture économique dépend de l’équité dans la répartition de ses avantages. Et, comme l’a soutenu depuis longtemps Dani Rodrik, le système mondial devrait à la fois promouvoir l’ouverture et faire place à l’adaptation nationale.
Chacun des trois objectifs (prendre soin des biens communs mondiaux, contenir la militarisation des relations économiques et rendre le système plus protecteur) est un défi. S’attaquer simultanément aux trois a tout d’une mission impossible. Jamais dans l’histoire des empires rivaux n’ont été contraints de coopérer pour faire face à des menaces communes d’une ampleur comparable. Il n’est pas difficile d’anticiper comment des objectifs louables (éviter les fuites de carbone, renforcer ce que l’Europe appelle désormais « l’autonomie stratégique ») peuvent être utilisés comme prétextes au protectionnisme le plus obtus. Et comment éviter une rupture économique mondiale si la Chine est à la fois perçue comme une menace pour la sécurité nationale, un pollueur sans scrupule et un démolisseur des droits sociaux ? Les années à venir vont mettre à rude épreuve les capacités de leadership de nos dirigeants.
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Personne ne sait quelle tournure prendra la pandémie ou si les récentes augmentations de prix seront transitoires, ce qui signifie que les prévisions économiques sont devenues encore plus hasardeuses que jamais. Néanmoins, certaines tendances doivent être surveillées de plus près que d’autres, et certaines politiques doivent être modifiées quoi qu’il arrive.
Déchirés entre les craintes inflationnistes et la peur de la déflation, les banquiers centraux des principales économies avancées adoptent une approche attentiste potentiellement coûteuse. Seule une refonte progressive de leurs outils et de leurs objectifs peut les aider à jouer un rôle post-pandémique socialement utile.
Bien que les États-Unis soient depuis longtemps à la pointe de la technologie, la Chine constitue un défi de taille dans des domaines clés. Mais, en fin de compte, l’équilibre des forces sera déterminé non pas par le développement technologique, mais par la diplomatie et les choix stratégiques, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays.
Sur plus de 10 000 espèces d’oiseaux, près d’une sur sept est actuellement menacée d’extinction. Le sort des oiseaux, qu’il s’agisse d’individus sauvages ou d’animaux de compagnie, serait plus difficile à ignorer si davantage de personnes comprenaient à quel point ils sont intelligents et complexes.
Historiquement, les succès comme la Conférence de Bretton Woods de 1944 sont beaucoup plus rares que les rassemblements internationaux qui produisent soit de l’inaction, soit des récriminations. La clé est de se concentrer sur ce qui peut être mesuré, plutôt que sur les personnes à blâmer.
La position de l’Inde sur le charbon lors de la récente conférence sur le changement climatique (COP26) a suscité de vives critiques, mais les économies occidentales les plus riches n’ont pas fait grand-chose pour aider la transition écologique des pays en développement. L’Inde, concernée par les conséquences du réchauffement, fera un effort de bonne foi pour contribuer à éviter la catastrophe climatique, mais seulement dans les limites de ce qu’elle peut faire.
L’ère de la « non-paix »Migrants rassemblés à l'intérieur de la zone tampon de la frontière Turquie-Grèce, à Pazarkule, dans le district d'Edirne, le 20 février 2020.
Les récentes tragédies migratoires dans la Manche et aux frontières occidentales de la Biélorussie montrent à quel point les civils sont devenus des armes involontaires dans une nouvelle ère de conflits perpétuels. Les gouvernements se rendant coupables de mauvais comportements sous couvert d’hypocrisie et de déni plausible, une course « vers le fond » est déjà en cours.
La fin du consensus économiqueLa présidente de la Commission européenne Ursula Von Der Leyen lors de laConférence de presse sur la réponse de l'Union européenne à la crise du coronavirus, à Bruxelles, le15 avril 2020.
Alors que le choc de la pandémie de Covid-19 a initialement suscité l’unité et la convergence en Europe, la phase actuelle de la crise est beaucoup plus délicate sur le plan économique et politique. Si elle est mal gérée, elle peut rouvrir de vieilles blessures et briser la légitimité nouvellement acquise des décideurs politiques.
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Un second mandat de Donald Trump achèverait certainement de démolir le système économique international de l’après-Seconde guerre mondiale. Son unilatéralisme agressif, ses initiatives commerciales chaotiques, son mépris pour la coopération multilatérale et son dédain pour les biens communs globaux finiraient de mettre à bas le réseau de règles et d’institutions qui sous-tend la mondialisation. Mais une victoire de Biden permettrait-elle de réparer ce système ? Et si oui, pour quelle réparation ? C’est une question à laquelle il est beaucoup plus difficile de répondre.
Le désir de balayer l’héritage de Trump ne fera défaut ni aux États-Unis ni dans le reste du monde. Mais une simple tentative de restaurer le statu quo ne permettra pas de relever les principaux défis de la gouvernance mondial,e dont certains sont d’ailleurs à l’origine de l’élection de Trump. Comme le note Adam Posen, du Peterson Institute, ce n’est pas de réparation, mais de reconstruction qu’il faut parler. Celle-ci doit commencer par l’identification des problèmes auxquels le système international doit faire face.
La première priorité est d’orienter ce système vers les biens communs. La préservation des communs globaux comme le climat ou la biodiversité n’était bien naturellement pas identifiée comme un enjeu d’importance lors de la conception de l’architecture économique de l’après-1945, et (de manière plus discutable cette fois) elle est restée une priorité secondaire lors de sa rénovation partielle, dans l’après-Guerre froide. Au lieu de porter l’attention sur les liens invisibles qui nous rattachent à un destin commun, l’accent a été mis sur les liens visibles nés des échanges de biens et de capitaux. Les règles et institutions qui régissent les premiers demeurent sensiblement plus faibles que celles qui régulent les seconds.
L’intention affichée par Biden de rejoindre inconditionnellement l’accord de Paris sur le changement climatique est bienvenue, mais elle ne constituera pas, à elle seule, un programme ambitieux et applicable. Le grand nombre des acteurs et la forte tentation de reporter de l’initiative sur les épaules des autres rendent la préservation des communs globaux notoirement difficile. Même pour la santé, les solutions trouvées jusqu’ici ne sont pas à la hauteur du défi.
L’action climatique est cruciale. En l’absence d’un improbable consensus global, elle va devoir s’appuyer sur une coalition dont les membres convergent vers des objectifs concrets et sur des mécanismes d’ajustement aux frontières applicables aux échanges avec les pays tiers. La mise en œuvre sera semée d’embûches. Pour qu’elle fonctionne, il faudra s’accorder sur les mesures commerciales jugées acceptables et celles qui relèvent au contraire d’un protectionnisme déguisé : la barre est haute. L’Europe est ici sur la ligne de front, puisqu’elle a déjà exprimé son intention d’introduire un ajustement aux frontières. C’est une responsabilité majeure.
La deuxième priorité est de rendre le système économique global aussi résilient que possible face aux rivalités. Quel que soit le vainqueur des élections du 3 novembre, l’affrontement des puissances entre la Chine et les Etats-Unis continuera de dominer les relations internationales. L’analogie avec la Guerre froide qui vient à l’esprit est cependant trompeuse, car les protagonistes d’aujourd’hui sont l’un pour l’autre des partenaires économiques essentiels. Alors que la part de l’Union soviétique dans les importations américaines n’a jamais excédé une fraction de point de pourcentage, la Chine en représente actuellement 18%. Les partisans inconditionnels du découplage présentent, à tort, le développement chinois comme une menace pour la sécurité nationale américaine et veulent mettre fin à cette interdépendance dans le but de stopper la croissance chinoise. Mais comme le dit Nicholas Lardy, du Peterson Institute, un découplage général d’avec la Chine induirait des coûts élevés pour des bénéfices minimes.
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L’Europe est ici au tout premier rang des témoins. Elle risque de subir les dommages collatéraux de la lutte entre les deux géants. L’un comme l’autre se sont déjà livrés à des manœuvres d’intimidation à son endroit. Mais l’UE n’est pas impuissante. Elle doit et peut défendre un ordre international fondé sur des règles et mener la lutte contre la militarisation des relations économiques internationales. Comme indiqué dans un récent rapport du think tank ECFR, il faut déjà qu’elle commence à se mettre en état de résister à la coercition économique.
La troisième priorité est un système économique mondial plus protecteur des travailleurs et des citoyens. Les doutes quant à la mondialisation n’ont fait qu’augmenter avec le conflit commercial entre les États-Unis et la Chine, la montée des inégalités et la prise de conscience que, dans une situation de crise sanitaire, des économies avancées pouvaient avoir du mal à se procurer de simples masques et des médicaments d’usage courant. Les citoyens et les travailleurs veulent un système économique plus protecteur. Les gouvernants en ont pris bonne note et veulent montrer qu’ils se soucient d’eux. La question est de savoir comment.
La première réponse devrait relever des politiques internes : de l’éducation et la formation à la revitalisation des territoires et à la redistribution, les gouvernements peuvent faire beaucoup, mais ont négligé de le faire pendant l’âge d’or de la mondialisation libérale. Il est temps maintenant de changer de politiques.
L’expérience a montré, cependant, que peu de gouvernements nationaux élaborent une réponse complète s’ils ne sont pas appuyés par l’environnement global. Réduire l’évasion fiscale des multinationales et la concurrence réglementaire agressive ne sont pas des tâches que les nations peuvent accomplir seules. Il faut reconnaître que la soutenabilité de l’ouverture économique dépend de l’équité dans la répartition de ses avantages. Et, comme l’a soutenu depuis longtemps Dani Rodrik, le système mondial devrait à la fois promouvoir l’ouverture et faire place à l’adaptation nationale.
Chacun des trois objectifs (prendre soin des biens communs mondiaux, contenir la militarisation des relations économiques et rendre le système plus protecteur) est un défi. S’attaquer simultanément aux trois a tout d’une mission impossible. Jamais dans l’histoire des empires rivaux n’ont été contraints de coopérer pour faire face à des menaces communes d’une ampleur comparable. Il n’est pas difficile d’anticiper comment des objectifs louables (éviter les fuites de carbone, renforcer ce que l’Europe appelle désormais « l’autonomie stratégique ») peuvent être utilisés comme prétextes au protectionnisme le plus obtus. Et comment éviter une rupture économique mondiale si la Chine est à la fois perçue comme une menace pour la sécurité nationale, un pollueur sans scrupule et un démolisseur des droits sociaux ? Les années à venir vont mettre à rude épreuve les capacités de leadership de nos dirigeants.