Après une brève panique initiale, les Bourses mondiales ont rebondi massivement. Le marché obligataire a suivi, entraîné essentiellement par les mesures exceptionnelles des banques centrales mondiales. Avec une inconnue : les entreprises.
La crise ‘Covid-19’ que nous traversons a ceci de particulier que, contrairement à toutes les crises contemporaines, elle touche tous les secteurs et toutes les zones géographiques en même temps et de manière aussi violente. Quelle qu’en fût la violence et l’importance, ce n’était pas le cas de la crise de 2008 qui touchait d’abord le système financier et les Etats-Unis, ni de celle de 2011, qui concernait essentiellement l’Eurozone, ni de celle de 2016 qui affectait le secteur des matières premières.
La deuxième spécificité de la crise de 2020 est qu’elle ne provient pas d’un déséquilibre identifiable en amont mais d’un arrêt total ou partiel d’activité entraînant un manque immédiat de chiffre d’affaires et donc de liquidités pour les entreprises. On a ainsi noté certaines communications d’entreprises sur des centaines de millions, voire des milliards d’euros de manque de trésorerie pour le deuxième semestre.
En conséquence, les rendements obligataires ont bondi, y compris sur les obligations courtes, habituellement plutôt préservées du fait de leur moindre sensibilité et de la visibilité des investisseurs sur la qualité des entreprises à horizon de quelques mois. Dans une crise de liquidités de grande ampleur où les entreprises sont à l’arrêt total ou quasi-total pour une durée de plusieurs mois, l’incertitude grandissante pousse à la hausse les primes de risque offertes par les entreprises pour qu’on leur prête de l’argent.
Les agences de notation font état aujourd’hui de taux de faillites à peu près équivalents à ceux post-crise de 2008, à savoir autour de 10%. Nous devrions donc, théoriquement, observer approximativement les mêmes rendements qu’à l’époque. Or, ce n’est pas du tout le cas.
Malgré les comparaisons des économistes et des analystes avec la crise de 2008, les rendements sont finalement restés très modérés. En 2008, les banques avaient pour beaucoup vu leurs taux bondir à 5%-6% pour la plupart, voire 10% pour certaines, tandis qu’aujourd’hui ils plafonnent plutôt à 2%-3% à horizon 5 ans. De même en 2009, les entreprises de bonne qualité, comme Danone, empruntaient jusqu’à 7% de rendement – voire plus, pour certaines comme Lafarge ou Saint-Gobain. Les obligations spéculatives avaient perdu 40% de leur valeur et offraient 10% à 15% de rendement en moyenne. Rien de tout cela aujourd’hui : les rendements des entreprises de bonne qualité se situent entre 1% et 3% à 5 ans. Le haut rendement s’établit plutôt entre 5% et 8%, exception faite des signatures en grande difficulté parce que touchées massivement par la crise : location de voitures, tourisme, etc.
Cette absence de stress majeur durable sur le marché obligataire s’explique d’abord par l’action des banques centrales. Depuis la crise de 2008, elles agissent comme des cornes d’abondance de liquidités qu’elles injectent sur le marché en achetant des obligations d’Etat, voire d’entreprises pour la BCE depuis 2015 et pour la FED depuis cette année. Ainsi, entre 2008 et aujourd’hui les bilans de banques centrales ont été multipliés par 5 à 6. Le stock de liquidités injectées sur des actifs obligataires joue déjà son rôle de soutien des prix et donc de compression des rendements.
En outre, les banques centrales, contrairement à 2008, ont annoncé dès les premières semaines de la crise de nouvelles injections massives de liquidités en complément du stock existant, déjà colossal. Leurs bilans vont donc encore violemment gonfler pour les prochaines années pour pallier la crise actuelle. Mais du point de vue économique, les rendement ne pourront donc probablement pas s’élever jusqu’aux dangereux niveaux qu’ils avaient atteints en 2008-2009.
En outre, la crise de 2008 avait touché essentiellement les banques, qui avaient donc rapidement coupé la majorité des lignes de crédit et le flux des prêts aux entreprises. Celles-ci s’étaient retrouvées contraintes de faire appel au marché, qui avait fait payer très cher (par le biais de rendements très élevés) ses apports de liquidité par émissions d’obligations. Aujourd’hui, après une décennie de pilotage très serré des régulateurs bancaires pour réduire le risque, augmenter les fonds propres et solidifier les bilans, les banques sont dans une situation plutôt favorable pour traverser cette crise. Elles constituent plutôt un outil de soutien de l’économie pour les gouvernements qui les poussent à octroyer plus facilement des crédits pour les entreprises en difficulté passagère. Contrairement à 2008, on a ainsi vu de multiples initiatives de prêts et reports pour permettre aux entreprises de ne pas se retrouver dos au mur en quelques semaines. Ceci a été organisé dès les premières semaines, par l’étalement des effets de la crise sur plusieurs années par un apport de liquidités qui deviendra un surcroît d’endettement.
En conséquence, le rendement de la plupart des dettes d’entreprises est resté modéré, pour un risque qui semble lui avoir drastiquement grimpé, du point de vue de la pure analyse crédit. Une sélectivité accrue est donc de mise pour les années à venir, afin de ne pas perdre plusieurs années de portage par quelques investissements hasardeux qui feraient défaut… Sur les marchés obligataires, on ne peut aujourd’hui avoir que deux certitudes. Il semble quasi garanti en Europe que l’apport de liquidités continuera, mais au prix d’un surplus d’endettement futur propre à alourdir les bilans et dégrader les comptes de résultats. Et par ailleurs, l’incertitude des perspectives de chiffres d’affaires et de résultats des entreprises pour 2020 et 2021 ne se lèvera pas de sitôt. Comment donc ne pas rester attentiste sur les entreprises si elles-mêmes le sont ? Logique qu’à court terme les marchés soufflent, achetant du temps pour observer le comportement à long terme des entreprises face à cette croissance généralisée d’endettement.
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Personne ne sait quelle tournure prendra la pandémie ou si les récentes augmentations de prix seront transitoires, ce qui signifie que les prévisions économiques sont devenues encore plus hasardeuses que jamais. Néanmoins, certaines tendances doivent être surveillées de plus près que d’autres, et certaines politiques doivent être modifiées quoi qu’il arrive.
Déchirés entre les craintes inflationnistes et la peur de la déflation, les banquiers centraux des principales économies avancées adoptent une approche attentiste potentiellement coûteuse. Seule une refonte progressive de leurs outils et de leurs objectifs peut les aider à jouer un rôle post-pandémique socialement utile.
Bien que les États-Unis soient depuis longtemps à la pointe de la technologie, la Chine constitue un défi de taille dans des domaines clés. Mais, en fin de compte, l’équilibre des forces sera déterminé non pas par le développement technologique, mais par la diplomatie et les choix stratégiques, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays.
Sur plus de 10 000 espèces d’oiseaux, près d’une sur sept est actuellement menacée d’extinction. Le sort des oiseaux, qu’il s’agisse d’individus sauvages ou d’animaux de compagnie, serait plus difficile à ignorer si davantage de personnes comprenaient à quel point ils sont intelligents et complexes.
Historiquement, les succès comme la Conférence de Bretton Woods de 1944 sont beaucoup plus rares que les rassemblements internationaux qui produisent soit de l’inaction, soit des récriminations. La clé est de se concentrer sur ce qui peut être mesuré, plutôt que sur les personnes à blâmer.
La position de l’Inde sur le charbon lors de la récente conférence sur le changement climatique (COP26) a suscité de vives critiques, mais les économies occidentales les plus riches n’ont pas fait grand-chose pour aider la transition écologique des pays en développement. L’Inde, concernée par les conséquences du réchauffement, fera un effort de bonne foi pour contribuer à éviter la catastrophe climatique, mais seulement dans les limites de ce qu’elle peut faire.
L’ère de la « non-paix »Migrants rassemblés à l'intérieur de la zone tampon de la frontière Turquie-Grèce, à Pazarkule, dans le district d'Edirne, le 20 février 2020.
Les récentes tragédies migratoires dans la Manche et aux frontières occidentales de la Biélorussie montrent à quel point les civils sont devenus des armes involontaires dans une nouvelle ère de conflits perpétuels. Les gouvernements se rendant coupables de mauvais comportements sous couvert d’hypocrisie et de déni plausible, une course « vers le fond » est déjà en cours.
La fin du consensus économiqueLa présidente de la Commission européenne Ursula Von Der Leyen lors de laConférence de presse sur la réponse de l'Union européenne à la crise du coronavirus, à Bruxelles, le15 avril 2020.
Alors que le choc de la pandémie de Covid-19 a initialement suscité l’unité et la convergence en Europe, la phase actuelle de la crise est beaucoup plus délicate sur le plan économique et politique. Si elle est mal gérée, elle peut rouvrir de vieilles blessures et briser la légitimité nouvellement acquise des décideurs politiques.
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La crise ‘Covid-19’ que nous traversons a ceci de particulier que, contrairement à toutes les crises contemporaines, elle touche tous les secteurs et toutes les zones géographiques en même temps et de manière aussi violente. Quelle qu’en fût la violence et l’importance, ce n’était pas le cas de la crise de 2008 qui touchait d’abord le système financier et les Etats-Unis, ni de celle de 2011, qui concernait essentiellement l’Eurozone, ni de celle de 2016 qui affectait le secteur des matières premières.
La deuxième spécificité de la crise de 2020 est qu’elle ne provient pas d’un déséquilibre identifiable en amont mais d’un arrêt total ou partiel d’activité entraînant un manque immédiat de chiffre d’affaires et donc de liquidités pour les entreprises. On a ainsi noté certaines communications d’entreprises sur des centaines de millions, voire des milliards d’euros de manque de trésorerie pour le deuxième semestre.
En conséquence, les rendements obligataires ont bondi, y compris sur les obligations courtes, habituellement plutôt préservées du fait de leur moindre sensibilité et de la visibilité des investisseurs sur la qualité des entreprises à horizon de quelques mois. Dans une crise de liquidités de grande ampleur où les entreprises sont à l’arrêt total ou quasi-total pour une durée de plusieurs mois, l’incertitude grandissante pousse à la hausse les primes de risque offertes par les entreprises pour qu’on leur prête de l’argent.
Les agences de notation font état aujourd’hui de taux de faillites à peu près équivalents à ceux post-crise de 2008, à savoir autour de 10%. Nous devrions donc, théoriquement, observer approximativement les mêmes rendements qu’à l’époque. Or, ce n’est pas du tout le cas.
Malgré les comparaisons des économistes et des analystes avec la crise de 2008, les rendements sont finalement restés très modérés. En 2008, les banques avaient pour beaucoup vu leurs taux bondir à 5%-6% pour la plupart, voire 10% pour certaines, tandis qu’aujourd’hui ils plafonnent plutôt à 2%-3% à horizon 5 ans. De même en 2009, les entreprises de bonne qualité, comme Danone, empruntaient jusqu’à 7% de rendement – voire plus, pour certaines comme Lafarge ou Saint-Gobain. Les obligations spéculatives avaient perdu 40% de leur valeur et offraient 10% à 15% de rendement en moyenne. Rien de tout cela aujourd’hui : les rendements des entreprises de bonne qualité se situent entre 1% et 3% à 5 ans. Le haut rendement s’établit plutôt entre 5% et 8%, exception faite des signatures en grande difficulté parce que touchées massivement par la crise : location de voitures, tourisme, etc.
Cette absence de stress majeur durable sur le marché obligataire s’explique d’abord par l’action des banques centrales. Depuis la crise de 2008, elles agissent comme des cornes d’abondance de liquidités qu’elles injectent sur le marché en achetant des obligations d’Etat, voire d’entreprises pour la BCE depuis 2015 et pour la FED depuis cette année. Ainsi, entre 2008 et aujourd’hui les bilans de banques centrales ont été multipliés par 5 à 6. Le stock de liquidités injectées sur des actifs obligataires joue déjà son rôle de soutien des prix et donc de compression des rendements.
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En outre, les banques centrales, contrairement à 2008, ont annoncé dès les premières semaines de la crise de nouvelles injections massives de liquidités en complément du stock existant, déjà colossal. Leurs bilans vont donc encore violemment gonfler pour les prochaines années pour pallier la crise actuelle. Mais du point de vue économique, les rendement ne pourront donc probablement pas s’élever jusqu’aux dangereux niveaux qu’ils avaient atteints en 2008-2009.
En outre, la crise de 2008 avait touché essentiellement les banques, qui avaient donc rapidement coupé la majorité des lignes de crédit et le flux des prêts aux entreprises. Celles-ci s’étaient retrouvées contraintes de faire appel au marché, qui avait fait payer très cher (par le biais de rendements très élevés) ses apports de liquidité par émissions d’obligations. Aujourd’hui, après une décennie de pilotage très serré des régulateurs bancaires pour réduire le risque, augmenter les fonds propres et solidifier les bilans, les banques sont dans une situation plutôt favorable pour traverser cette crise. Elles constituent plutôt un outil de soutien de l’économie pour les gouvernements qui les poussent à octroyer plus facilement des crédits pour les entreprises en difficulté passagère. Contrairement à 2008, on a ainsi vu de multiples initiatives de prêts et reports pour permettre aux entreprises de ne pas se retrouver dos au mur en quelques semaines. Ceci a été organisé dès les premières semaines, par l’étalement des effets de la crise sur plusieurs années par un apport de liquidités qui deviendra un surcroît d’endettement.
En conséquence, le rendement de la plupart des dettes d’entreprises est resté modéré, pour un risque qui semble lui avoir drastiquement grimpé, du point de vue de la pure analyse crédit. Une sélectivité accrue est donc de mise pour les années à venir, afin de ne pas perdre plusieurs années de portage par quelques investissements hasardeux qui feraient défaut… Sur les marchés obligataires, on ne peut aujourd’hui avoir que deux certitudes. Il semble quasi garanti en Europe que l’apport de liquidités continuera, mais au prix d’un surplus d’endettement futur propre à alourdir les bilans et dégrader les comptes de résultats. Et par ailleurs, l’incertitude des perspectives de chiffres d’affaires et de résultats des entreprises pour 2020 et 2021 ne se lèvera pas de sitôt. Comment donc ne pas rester attentiste sur les entreprises si elles-mêmes le sont ? Logique qu’à court terme les marchés soufflent, achetant du temps pour observer le comportement à long terme des entreprises face à cette croissance généralisée d’endettement.