La création d’une monnaie privée par Facebook n’irait pas sans risques, mais son annonce a poussé le système financier à se moderniser. Seule l’inclusion financière reste à la traîne et dépose désormais en faveur du projet.
La réaction en juin dernier à l’annonce du projet de « stablecoin » de Facebook, Libra, a été cinglante. Elle reflétait la perception négative de la société mère. On craignait que Facebook n’exploite la dépendance des consommateurs vis-à-vis de Libra pour récolter des données relatives à leur utilisation et les vendre ou les utiliser dans son propre intérêt.
Pour apaiser ces inquiétudes, Facebook a créé une filiale distincte, Calibra, chargée de développer la monnaie et une Association Libra indépendante pour assurer le contrôle de la gestion. Cependant, apaiser les inquiétudes n’est pas les éliminer. L’équipe de Calibra était loin de comprendre la difficulté de maintenir la stabilité d’un stablecoin, une cryptomonnaie dont la valeur est adossée à un autre actif, généralement exprimé en dollars, yens ou euros. Mais son livre blanc ne précisait pas exactement quels actifs liquides et sûrs l’Association Libra conserverait en réserve. Et le risque que ces actifs deviennent soudainement illiquides et risqués n’était pas pris en compte. Le livre blanc n’a pas non plus reconnu le risque que Libra pourrait poser à la stabilité financière ni la nécessité d’un prêteur en dernier ressort.
Si Libra restait un véhicule de paiement, pur et simple, de telles préoccupations pourraient être écartées. Mais une fois qu’elle serait devenue une monnaie de paiement mondiale importante, un écosystème de valeurs mobilières et de produits dérivés basés sur cette monnaie pourrait se développer de manière significative. Des changements soudains dans les prix de ces instruments pourraient alors avoir des conséquences déstabilisantes pour le système financier. Étant donné que Calibra n’avait manifestement pas envisagé tout cela, il n’est pas surprenant que les régulateurs aient rapidement exprimé leurs inquiétudes.
Enfin, il y a le danger que représenterait un stablecoin mondial pour le contrôle monétaire. Dans un pays entièrement dollarisé comme le Salvador ou l’Équateur, la Réserve fédérale américaine contrôle les conditions monétaires locales. De même, l’adoption généralisée de cette monnaie placerait les conditions monétaires locales sous le contrôle d’une poignée de banques centrales dont les monnaies constituent le socle sur lequel la Libra est ancrée.
Paiements et inclusion
Du côté positif, l’annonce de la Libra a attiré l’attention sur deux problématiques : le coût des paiements transfrontaliers et l’inclusion financière insuffisante dans les pays en développement. Elle a attiré l’attention sur le fait qu’il existe déjà un certain nombre d’autres initiatives en cours pour résoudre ces problèmes. Des banques multinationales comme Santander utilisent une plateforme numérique, lancée par la start-up Ripple, pour transférer des paiements entre ses succursales dans différents pays en une fraction du temps traditionnel et à moindre coût. La banque américaine JP Morgan se prépare à lancer JPM Coin, qui utilisera une blockchain privée pour transférer des fonds entre différentes institutions financières dans différents pays. La Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication a répondu à la menace de désintermédiation en développant son propre service de messagerie numérique, Swift GPI.
Par ailleurs, les banques centrales, de Singapour à l’Europe, ont mis en place des systèmes de paiement de détail en temps réel qui autorisent et comptabilisent les transactions instantanément, 24 heures sur 24, sept jours sur sept, et étudient comment les relier les unes aux autres et, par conséquent, au niveau international. Diverses banques centrales se préparent à lancer leurs propres monnaies numériques, [les MDBC] et cherchent à promouvoir leur adoption par les banques, les entreprises et les investisseurs des pays voisins.
En d’autres termes, le temps où un paiement transfrontalier prenait cinq jours et coûtait 5 % du virement est déjà révolu. La perspective de la Libra a incité les banques centrales, les banques commerciales et Swift à développer des mécanismes plus efficaces pour exécuter ces opérations. L’argument de la Libra comme solution au problème des paiements transfrontaliers est redondant.
La Libra est en terrain plus solide en ce qui concerne l’inclusion financière. Certes, des dispositifs comme M-Pesa permettent déjà aux habitants d’Afrique de l’Est utilisent leur téléphone portable pour effectuer des paiements et s’engager dans une gamme croissante de transactions financières, même s’ils ne disposent pas d’un compte bancaire. Mais le coût des transactions mobiles reste relativement élevé, reflétant le fait que ces systèmes sont exploités par des monopoles de télécommunications. Une des solutions consiste à déréglementer le secteur des télécommunications et à encourager la concurrence. Une autre serait que les banques centrales se lancent dans le secteur des paiements de détail par voie numérique. La Banque nationale du Cambodge, par exemple, semble évoluer rapidement dans cette direction. Mais il faut que d’autres suivent.
Tant que les gouvernements, les régulateurs et les banques centrales ne progresseront pas sur le problème de l’inclusion financière, l’avantage de Libra ne disparaîtra pas. l
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La réaction en juin dernier à l’annonce du projet de « stablecoin » de Facebook, Libra, a été cinglante. Elle reflétait la perception négative de la société mère. On craignait que Facebook n’exploite la dépendance des consommateurs vis-à-vis de Libra pour récolter des données relatives à leur utilisation et les vendre ou les utiliser dans son propre intérêt.
Pour apaiser ces inquiétudes, Facebook a créé une filiale distincte, Calibra, chargée de développer la monnaie et une Association Libra indépendante pour assurer le contrôle de la gestion. Cependant, apaiser les inquiétudes n’est pas les éliminer. L’équipe de Calibra était loin de comprendre la difficulté de maintenir la stabilité d’un stablecoin, une cryptomonnaie dont la valeur est adossée à un autre actif, généralement exprimé en dollars, yens ou euros. Mais son livre blanc ne précisait pas exactement quels actifs liquides et sûrs l’Association Libra conserverait en réserve. Et le risque que ces actifs deviennent soudainement illiquides et risqués n’était pas pris en compte. Le livre blanc n’a pas non plus reconnu le risque que Libra pourrait poser à la stabilité financière ni la nécessité d’un prêteur en dernier ressort.
Si Libra restait un véhicule de paiement, pur et simple, de telles préoccupations pourraient être écartées. Mais une fois qu’elle serait devenue une monnaie de paiement mondiale importante, un écosystème de valeurs mobilières et de produits dérivés basés sur cette monnaie pourrait se développer de manière significative. Des changements soudains dans les prix de ces instruments pourraient alors avoir des conséquences déstabilisantes pour le système financier. Étant donné que Calibra n’avait manifestement pas envisagé tout cela, il n’est pas surprenant que les régulateurs aient rapidement exprimé leurs inquiétudes.
Enfin, il y a le danger que représenterait un stablecoin mondial pour le contrôle monétaire. Dans un pays entièrement dollarisé comme le Salvador ou l’Équateur, la Réserve fédérale américaine contrôle les conditions monétaires locales. De même, l’adoption généralisée de cette monnaie placerait les conditions monétaires locales sous le contrôle d’une poignée de banques centrales dont les monnaies constituent le socle sur lequel la Libra est ancrée.
Paiements et inclusion
Du côté positif, l’annonce de la Libra a attiré l’attention sur deux problématiques : le coût des paiements transfrontaliers et l’inclusion financière insuffisante dans les pays en développement. Elle a attiré l’attention sur le fait qu’il existe déjà un certain nombre d’autres initiatives en cours pour résoudre ces problèmes. Des banques multinationales comme Santander utilisent une plateforme numérique, lancée par la start-up Ripple, pour transférer des paiements entre ses succursales dans différents pays en une fraction du temps traditionnel et à moindre coût. La banque américaine JP Morgan se prépare à lancer JPM Coin, qui utilisera une blockchain privée pour transférer des fonds entre différentes institutions financières dans différents pays. La Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication a répondu à la menace de désintermédiation en développant son propre service de messagerie numérique, Swift GPI.
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Par ailleurs, les banques centrales, de Singapour à l’Europe, ont mis en place des systèmes de paiement de détail en temps réel qui autorisent et comptabilisent les transactions instantanément, 24 heures sur 24, sept jours sur sept, et étudient comment les relier les unes aux autres et, par conséquent, au niveau international. Diverses banques centrales se préparent à lancer leurs propres monnaies numériques, [les MDBC] et cherchent à promouvoir leur adoption par les banques, les entreprises et les investisseurs des pays voisins.
En d’autres termes, le temps où un paiement transfrontalier prenait cinq jours et coûtait 5 % du virement est déjà révolu. La perspective de la Libra a incité les banques centrales, les banques commerciales et Swift à développer des mécanismes plus efficaces pour exécuter ces opérations. L’argument de la Libra comme solution au problème des paiements transfrontaliers est redondant.
La Libra est en terrain plus solide en ce qui concerne l’inclusion financière. Certes, des dispositifs comme M-Pesa permettent déjà aux habitants d’Afrique de l’Est utilisent leur téléphone portable pour effectuer des paiements et s’engager dans une gamme croissante de transactions financières, même s’ils ne disposent pas d’un compte bancaire. Mais le coût des transactions mobiles reste relativement élevé, reflétant le fait que ces systèmes sont exploités par des monopoles de télécommunications. Une des solutions consiste à déréglementer le secteur des télécommunications et à encourager la concurrence. Une autre serait que les banques centrales se lancent dans le secteur des paiements de détail par voie numérique. La Banque nationale du Cambodge, par exemple, semble évoluer rapidement dans cette direction. Mais il faut que d’autres suivent.
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