Fin avril, les ministres des affaires étrangères de l'Union européenne ont approuvé la Stratégie de l'union pour la coopération dans la région Indo-Pacifique. Il s'agit d'une mesure opportune qui témoigne d'une prise de conscience de l'importance stratégique croissante de cette région . Toutefois, comme c'est souvent le cas avec les cadres de l'UE, cette stratégie comporte beaucoup de plans vagues, de grands principes, de jargon bureaucratique et peine à exposer une réelle clarté stratégique.
L'intérêt géostratégique du monde pour la région Indo-Pacifique est un phénomène récent. Il y a quelques années à peine, c'était l'Asie, ou plutôt l'Asie-Pacifique, qui accaparait l'attention du monde. La stratégie diplomatique « pivot vers l'Asie » de l'ancien président américain Barack Obama en est un bon exemple.
Mais l'accent mis sur l'Asie concernait fondamentalement la Chine. Or, ce pays n'opère pas exclusivement en Asie. Son initiative Belt and Road, par exemple, a des ambitions de grande envergure et quasiment mondiales. Ses efforts agressifs pour faire valoir ses revendications maritimes ont terrifié des pays comme l'Australie et les Philippines.
La Chine a également provoqué l'Inde en pénétrant sur son territoire dans l'Himalaya, ce qui a parfois conduit à des affrontements militaires meurtriers. Sa politique d'expansion territoriale ressemble de plus en plus à sa stratégie maritime. En réponse, l'Inde a durci sa position à l'égard de la Chine, tout en approfondissant son engagement avec la Quadrilatérale (Australie, Inde, Japon et États-Unis).
Les membres de cette alliance ont un intérêt commun à ce que l'Indo-Pacifique, avec ses voies de navigation critiques et ses infrastructures de câbles sous-marins, reste libre. L'Europe partage cet intérêt. Pourtant, alors que la Quadrilatérale a vu le jour en 2017, ce n'est qu'en 2018 que la France a développé quelque chose qui ressemble à une stratégie indopacifique formelle. Quant à ses partenaires européens, à commencer par l'Allemagne et les Pays-Bas, ils ne se sont engagés dans cette voie que l'année dernière.
Un Royaume-Uni ferme
Quant au Royaume-Uni, sa stratégie indopacifique est précisée dans la « Revue intégrée de la sécurité, de la défense, du développement et de la politique étrangère » récemment publiée. Celle-ci établit que l'Indo-Pacifique, seule zone géographique ayant sa propre section, a des implications importantes pour l'économie, la sécurité nationale et les ambitions mondiales du Royaume-Uni. La revue indique clairement que le pays doit forger des partenariats dans la région qui feront avancer ses intérêts sur tous ces fronts.
Cette approche contraste fortement avec les orientations de l'UE. Certes, la stratégie de cette dernière démontre une prise de conscience autour de l'importance croissante de l'Indo-Pacifique. Mais alors que le Royaume-Uni défend des intérêts nationaux qui peuvent ou non recouper les priorités mondiales, l'UE met l'accent sur des objectifs généraux et espère que les partenaires régionaux seront en mesure de les accepter.
Une Union européenne évasive
En fait, l'expression qui désigne les intérêts de l'UE ne reçoit que trois mentions plutôt génériques dans le texte. Au lieu de priorités politiques claires, n'est exposé qu’une vague promesse de renforcer le rôle de partenaire coopératif dans l'Indo-Pacifique en collaboration avec les partenaires régionaux de l’union dans un large éventail de domaines, tels que le changement climatique, la lutte contre la pandémie et l'égalité des sexes.
Avec cette approche, l'UE espère contribuer à la stabilité, la sécurité, la prospérité et le développement durable de la région. En d'autres termes, dans le plus pur style bruxellois, la nouvelle stratégie indopacifique de l'Europe met l'accent sur le soft power tout en regroupant les efforts bilatéraux et multilatéraux d'une manière peu claire et peu susceptible de se recouper.
Le texte n'identifie pas non plus de priorités géographiques. Apparemment, l'UE n'a pas été en mesure de concilier les visions contradictoires des États membres. Le résultat est qu'elle a essentiellement indiqué que ses intérêts sont les mêmes dans toute la zone allant de la côte est de l'Afrique aux États insulaires du Pacifique.
Mais, bien sûr, il y a un éléphant, ou plutôt un dragon, dans la pièce. Le Royaume-Uni a une vision claire des menaces que représente l'autoritarisme de la Chine, mais il est également prêt à commercer avec ce pays et, plus généralement, à s'engager avec celui-ci. L'UE, en revanche, ne mentionne la Chine que dans sa liste d'accords bilatéraux. Il s'agit d'un cas d’école d'esquive européenne.
De même, dans le seul paragraphe de la stratégie consacré à la sécurité, l'UE se contente de dire que les États membres reconnaissent l'importance d'une présence navale européenne significative dans la région Indo-Pacifique. Ces ambitions définies de façon nébuleuse contrastent fortement avec les objectifs navals clairs du Royaume-Uni.
Bâtir une stratégie européenne
Le seul objectif bien défini de l'Union européenne est d'étendre CRIMARIO. Ce programme d'échange d'informations et de gestion des crises, dirigé par la France et destiné aux routes maritimes essentielles, s'étend de l'océan Indien à l'Asie du Sud, l'Asie du Sud-Est et le Pacifique Sud. C'est un pas positif, mais insuffisant.
Les dirigeants de l'UE pourraient contrer l'argument de l'absence d'une stratégie claire et crédible pour l'Indo-Pacifique en faisant remarquer qu'ils privilégient les principes par rapport aux acteurs. Mais si cette approche est louable, et peut même permettre à la stratégie de coopération de rester pertinente pour une période plus longue, elle ne peut se faire au détriment de la réalité. Et ce que l'Union a produit, c'est un document plein de jargon bureaucratique qui laisse planer des doutes non seulement sur les priorités spécifiques de l'Europe, mais aussi sur sa volonté réelle d'établir une présence dans la région.
Mais tout espoir n'est pas perdu. La nouvelle stratégie est un premier pas et, au sein de l'UE, les initiatives exigent souvent les plus grands efforts, même s'ils ne nous mènent pas loin. Il appartient maintenant à la Commission européenne et au Haut Représentant, chargés par le Conseil, de présenter une déclaration avant septembre afin d'apporter la clarté que nécessite la stratégie indopacifique européenne.
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L'intérêt géostratégique du monde pour la région Indo-Pacifique est un phénomène récent. Il y a quelques années à peine, c'était l'Asie, ou plutôt l'Asie-Pacifique, qui accaparait l'attention du monde. La stratégie diplomatique « pivot vers l'Asie » de l'ancien président américain Barack Obama en est un bon exemple.
Mais l'accent mis sur l'Asie concernait fondamentalement la Chine. Or, ce pays n'opère pas exclusivement en Asie. Son initiative Belt and Road, par exemple, a des ambitions de grande envergure et quasiment mondiales. Ses efforts agressifs pour faire valoir ses revendications maritimes ont terrifié des pays comme l'Australie et les Philippines.
La Chine a également provoqué l'Inde en pénétrant sur son territoire dans l'Himalaya, ce qui a parfois conduit à des affrontements militaires meurtriers. Sa politique d'expansion territoriale ressemble de plus en plus à sa stratégie maritime. En réponse, l'Inde a durci sa position à l'égard de la Chine, tout en approfondissant son engagement avec la Quadrilatérale (Australie, Inde, Japon et États-Unis).
Les membres de cette alliance ont un intérêt commun à ce que l'Indo-Pacifique, avec ses voies de navigation critiques et ses infrastructures de câbles sous-marins, reste libre. L'Europe partage cet intérêt. Pourtant, alors que la Quadrilatérale a vu le jour en 2017, ce n'est qu'en 2018 que la France a développé quelque chose qui ressemble à une stratégie indopacifique formelle. Quant à ses partenaires européens, à commencer par l'Allemagne et les Pays-Bas, ils ne se sont engagés dans cette voie que l'année dernière.
Un Royaume-Uni ferme
Quant au Royaume-Uni, sa stratégie indopacifique est précisée dans la « Revue intégrée de la sécurité, de la défense, du développement et de la politique étrangère » récemment publiée. Celle-ci établit que l'Indo-Pacifique, seule zone géographique ayant sa propre section, a des implications importantes pour l'économie, la sécurité nationale et les ambitions mondiales du Royaume-Uni. La revue indique clairement que le pays doit forger des partenariats dans la région qui feront avancer ses intérêts sur tous ces fronts.
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Cette approche contraste fortement avec les orientations de l'UE. Certes, la stratégie de cette dernière démontre une prise de conscience autour de l'importance croissante de l'Indo-Pacifique. Mais alors que le Royaume-Uni défend des intérêts nationaux qui peuvent ou non recouper les priorités mondiales, l'UE met l'accent sur des objectifs généraux et espère que les partenaires régionaux seront en mesure de les accepter.
Une Union européenne évasive
En fait, l'expression qui désigne les intérêts de l'UE ne reçoit que trois mentions plutôt génériques dans le texte. Au lieu de priorités politiques claires, n'est exposé qu’une vague promesse de renforcer le rôle de partenaire coopératif dans l'Indo-Pacifique en collaboration avec les partenaires régionaux de l’union dans un large éventail de domaines, tels que le changement climatique, la lutte contre la pandémie et l'égalité des sexes.
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Le texte n'identifie pas non plus de priorités géographiques. Apparemment, l'UE n'a pas été en mesure de concilier les visions contradictoires des États membres. Le résultat est qu'elle a essentiellement indiqué que ses intérêts sont les mêmes dans toute la zone allant de la côte est de l'Afrique aux États insulaires du Pacifique.
Mais, bien sûr, il y a un éléphant, ou plutôt un dragon, dans la pièce. Le Royaume-Uni a une vision claire des menaces que représente l'autoritarisme de la Chine, mais il est également prêt à commercer avec ce pays et, plus généralement, à s'engager avec celui-ci. L'UE, en revanche, ne mentionne la Chine que dans sa liste d'accords bilatéraux. Il s'agit d'un cas d’école d'esquive européenne.
De même, dans le seul paragraphe de la stratégie consacré à la sécurité, l'UE se contente de dire que les États membres reconnaissent l'importance d'une présence navale européenne significative dans la région Indo-Pacifique. Ces ambitions définies de façon nébuleuse contrastent fortement avec les objectifs navals clairs du Royaume-Uni.
Bâtir une stratégie européenne
Le seul objectif bien défini de l'Union européenne est d'étendre CRIMARIO. Ce programme d'échange d'informations et de gestion des crises, dirigé par la France et destiné aux routes maritimes essentielles, s'étend de l'océan Indien à l'Asie du Sud, l'Asie du Sud-Est et le Pacifique Sud. C'est un pas positif, mais insuffisant.
Les dirigeants de l'UE pourraient contrer l'argument de l'absence d'une stratégie claire et crédible pour l'Indo-Pacifique en faisant remarquer qu'ils privilégient les principes par rapport aux acteurs. Mais si cette approche est louable, et peut même permettre à la stratégie de coopération de rester pertinente pour une période plus longue, elle ne peut se faire au détriment de la réalité. Et ce que l'Union a produit, c'est un document plein de jargon bureaucratique qui laisse planer des doutes non seulement sur les priorités spécifiques de l'Europe, mais aussi sur sa volonté réelle d'établir une présence dans la région.
Mais tout espoir n'est pas perdu. La nouvelle stratégie est un premier pas et, au sein de l'UE, les initiatives exigent souvent les plus grands efforts, même s'ils ne nous mènent pas loin. Il appartient maintenant à la Commission européenne et au Haut Représentant, chargés par le Conseil, de présenter une déclaration avant septembre afin d'apporter la clarté que nécessite la stratégie indopacifique européenne.