La Covid-19 a servi de révélateur à une profonde crise de la mondialisation. Face à une récession aussi sévère que celle des années 1930 et des conditions politiques qui évoquent les années qui ont précédé la première guerre mondiale, le monde a plus que jamais besoin d’une gouvernance collective, pas seulement sanitaire.
La pire crise sanitaire depuis la pandémie de grippe de 1914-1920 se transforme sous nos yeux en une crise systémique de la mondialisation, qui pourrait ouvrir la voie à la confrontation géopolitique la plus dangereuse depuis la fin de la Guerre froide. La manière dont cette crise va évoluer dépendra pour l’essentiel d’un leadership collectif, or cet élément crucial fait défaut : la Chine et les Etats-Unis étant à couteaux tirés, il faut chercher ailleurs.
Pour revenir à une nouvelle coopération internationale il faut tout d’abord détruire trois mythes.
En premier lieu, l’idée que la Covid-19 soit une catastrophe inattendue à laquelle il était impossible de se préparer, un « cygne noir ». En réalité, des défenseurs de la santé publique comme Bill Gates, des épidémiologistes comme Michael Osterholm de l’université du Minnesota et même de grandes agences de renseignement alertent depuis des années quant aux risques systémiques que posent les coronavirus. La profondeur de la crise que nous traversons est le produit de notre échec collectif à penser de manière non-linéaire ou à tenir compte des avertissements sans ambiguïté des scientifiques. Pire encore, la Covid-19 n’est probablement que la répétition générale des désastres qui nous attendent à cause du réchauffement climatique - notamment au début des années 2030, après le franchissement du seuil de 1,5°C de réchauffement par rapport à la température moyenne de l’ère préindustrielle.
Deuxième idée fausse à dissiper : la Covid-19 aurait discrédité la mondialisation. Il est vrai que les voyages aériens ont répandu le coronavirus à travers la planète beaucoup plus vite que les anciens moyens de transport ne permettaient de le faire. Néanmoins, la mondialisation nous a permis de disposer des informations, du savoir médical, de la technologie et des institutions multilatérales nécessaires pour vaincre non seulement les virus, mais aussi les autres menaces collectives. C’est parce que la communauté scientifique mondiale dispose des technologies modernes de communication et d’information que le génome du nouveau coronavirus a pu être séquencé et rendu public dès le 12 janvier , à peine deux semaines après que la Chine ait informé de l’apparition d’un foyer viral. Et maintenant, partout dans le monde, des chercheurs partagent leurs découvertes à la recherche d’un vaccin. Jamais auparavant, autant de personnes dans un aussi grand nombre de pays n’avaient travaillé ensemble sur un même projet.
Troisième légende : nos instruments politiques et nos institutions peuvent nous permettre de sortir de la crise. En réalité, les organisations internationales ne peuvent mobiliser qu’une fraction des ressources qui seraient nécessaires pour contenir le virus et ses conséquences sur l’économie. Pour répondre à nos attentes, il faut changer le mode de fonctionnement d’institutions comme l’Organisation mondiale de la santé et faire davantage pour mobiliser les acteurs privés.
Coopération internationale massive
La crise du Covid-19 a éclaté à un moment critique, accélérant une autre crise déjà profonde, celle qui affecte la coopération internationale. Résoudre ces deux crises exige d’innover en profondeur et de se lancer dans une coopération massive pour parvenir à un équilibre stable entre croissance économique et bien-être social. Nous devons non seulement changer nos institutions et le système économique, mais également nous changer nous-mêmes.
1• Œuvrer à un leadership plus inclusif au niveau mondial. Étant données les difficultés que connaissent les relations sino-américaines, les autres pays du G20 doivent collaborer pour trouver de nouvelles idées destinées à répondre à la crise du système de commerce mondial, à l’intensification de la concurrence stérile en matière de technologie et à l’effondrement de la confiance dans les cadres multilatéraux. L’UE, le Royaume-Uni, le Japon, le Canada, l’Indonésie, l’Inde, la Corée du Sud et le Brésil doivent jouer un plus grand rôle pour combler l’absence de leadership.
2• Construire de nouvelles coalitions de leadership multi-niveaux incluant entre autres des ONG, le secteur privé et des cercles de réflexion. Quand le leadership classique de type vertical fait défaut, d’autres doivent émerger.
3• Garantir un processus sans à-coup pour développer, produire et distribuer rapidement et équitablement un vaccin contre le Covid-19. Les pays du G20 doivent honorer leurs engagements en ce sens avec les organisations internationales et les partenaires privés – 8 milliards de dollars annoncés début mai. C’est un défi comme on n’en a jamais vu qui exige une coalition sans précédent.
4• Réunir davantage de moyens pour faire face à la crise financière qui s’annonce dans les pays émergents et dans les pays en développement. Le FMI doit émettre dès à présent une nouvelle tranche de ses Droits de tirage spéciaux. En lien étroit avec la Chine, le Club de Paris des créanciers souverains doit trouver une solution au problème de l’endettement de plus en plus insoutenable de la dette des pays débiteurs.
5• Construire les coalitions voulues pour permettre le succès de la Conférence des Nations unies sur la biodiversité et de la Conférence des Nations unies sur le climat (COP26) l’année prochaine. Le monde a un besoin vital d’une implication plus importante de la communauté internationale sur les questions d’environnement et de climat, notamment pour briser le lien entre perte de l’habitat et zoonoses.
« Le coût de l’inaction atteint déjà des sommets »
Du point de vue d’un homme ou d’une femme du 21° siècle, arguait l’historienne de la première guerre mondiale Margaret MacMillan(2), « on peut accuser ceux qui ont plongé l’Europe dans la guerre de deux choses : un manque d’imagination, pour n’avoir pas réalisé à quel point un tel conflit allait être destructeur, et un manque de courage, pour n’avoir pas fait face à ceux qui disaient qu’il n’y avait d’autres choix que la guerre. Il y a toujours plusieurs choix. » Plutôt que d’accepter passivement l’écroulement du multilatéralisme, nous devons imaginer les nouveaux mécanismes de solidarité nécessaires face à la crise.
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Personne ne sait quelle tournure prendra la pandémie ou si les récentes augmentations de prix seront transitoires, ce qui signifie que les prévisions économiques sont devenues encore plus hasardeuses que jamais. Néanmoins, certaines tendances doivent être surveillées de plus près que d’autres, et certaines politiques doivent être modifiées quoi qu’il arrive.
Déchirés entre les craintes inflationnistes et la peur de la déflation, les banquiers centraux des principales économies avancées adoptent une approche attentiste potentiellement coûteuse. Seule une refonte progressive de leurs outils et de leurs objectifs peut les aider à jouer un rôle post-pandémique socialement utile.
Bien que les États-Unis soient depuis longtemps à la pointe de la technologie, la Chine constitue un défi de taille dans des domaines clés. Mais, en fin de compte, l’équilibre des forces sera déterminé non pas par le développement technologique, mais par la diplomatie et les choix stratégiques, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays.
Sur plus de 10 000 espèces d’oiseaux, près d’une sur sept est actuellement menacée d’extinction. Le sort des oiseaux, qu’il s’agisse d’individus sauvages ou d’animaux de compagnie, serait plus difficile à ignorer si davantage de personnes comprenaient à quel point ils sont intelligents et complexes.
Historiquement, les succès comme la Conférence de Bretton Woods de 1944 sont beaucoup plus rares que les rassemblements internationaux qui produisent soit de l’inaction, soit des récriminations. La clé est de se concentrer sur ce qui peut être mesuré, plutôt que sur les personnes à blâmer.
La position de l’Inde sur le charbon lors de la récente conférence sur le changement climatique (COP26) a suscité de vives critiques, mais les économies occidentales les plus riches n’ont pas fait grand-chose pour aider la transition écologique des pays en développement. L’Inde, concernée par les conséquences du réchauffement, fera un effort de bonne foi pour contribuer à éviter la catastrophe climatique, mais seulement dans les limites de ce qu’elle peut faire.
L’ère de la « non-paix »Migrants rassemblés à l'intérieur de la zone tampon de la frontière Turquie-Grèce, à Pazarkule, dans le district d'Edirne, le 20 février 2020.
Les récentes tragédies migratoires dans la Manche et aux frontières occidentales de la Biélorussie montrent à quel point les civils sont devenus des armes involontaires dans une nouvelle ère de conflits perpétuels. Les gouvernements se rendant coupables de mauvais comportements sous couvert d’hypocrisie et de déni plausible, une course « vers le fond » est déjà en cours.
La fin du consensus économiqueLa présidente de la Commission européenne Ursula Von Der Leyen lors de laConférence de presse sur la réponse de l'Union européenne à la crise du coronavirus, à Bruxelles, le15 avril 2020.
Alors que le choc de la pandémie de Covid-19 a initialement suscité l’unité et la convergence en Europe, la phase actuelle de la crise est beaucoup plus délicate sur le plan économique et politique. Si elle est mal gérée, elle peut rouvrir de vieilles blessures et briser la légitimité nouvellement acquise des décideurs politiques.
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La pire crise sanitaire depuis la pandémie de grippe de 1914-1920 se transforme sous nos yeux en une crise systémique de la mondialisation, qui pourrait ouvrir la voie à la confrontation géopolitique la plus dangereuse depuis la fin de la Guerre froide. La manière dont cette crise va évoluer dépendra pour l’essentiel d’un leadership collectif, or cet élément crucial fait défaut : la Chine et les Etats-Unis étant à couteaux tirés, il faut chercher ailleurs.
Pour revenir à une nouvelle coopération internationale il faut tout d’abord détruire trois mythes.
En premier lieu, l’idée que la Covid-19 soit une catastrophe inattendue à laquelle il était impossible de se préparer, un « cygne noir ». En réalité, des défenseurs de la santé publique comme Bill Gates, des épidémiologistes comme Michael Osterholm de l’université du Minnesota et même de grandes agences de renseignement alertent depuis des années quant aux risques systémiques que posent les coronavirus. La profondeur de la crise que nous traversons est le produit de notre échec collectif à penser de manière non-linéaire ou à tenir compte des avertissements sans ambiguïté des scientifiques. Pire encore, la Covid-19 n’est probablement que la répétition générale des désastres qui nous attendent à cause du réchauffement climatique - notamment au début des années 2030, après le franchissement du seuil de 1,5°C de réchauffement par rapport à la température moyenne de l’ère préindustrielle.
Deuxième idée fausse à dissiper : la Covid-19 aurait discrédité la mondialisation. Il est vrai que les voyages aériens ont répandu le coronavirus à travers la planète beaucoup plus vite que les anciens moyens de transport ne permettaient de le faire. Néanmoins, la mondialisation nous a permis de disposer des informations, du savoir médical, de la technologie et des institutions multilatérales nécessaires pour vaincre non seulement les virus, mais aussi les autres menaces collectives. C’est parce que la communauté scientifique mondiale dispose des technologies modernes de communication et d’information que le génome du nouveau coronavirus a pu être séquencé et rendu public dès le 12 janvier , à peine deux semaines après que la Chine ait informé de l’apparition d’un foyer viral. Et maintenant, partout dans le monde, des chercheurs partagent leurs découvertes à la recherche d’un vaccin. Jamais auparavant, autant de personnes dans un aussi grand nombre de pays n’avaient travaillé ensemble sur un même projet.
Troisième légende : nos instruments politiques et nos institutions peuvent nous permettre de sortir de la crise. En réalité, les organisations internationales ne peuvent mobiliser qu’une fraction des ressources qui seraient nécessaires pour contenir le virus et ses conséquences sur l’économie. Pour répondre à nos attentes, il faut changer le mode de fonctionnement d’institutions comme l’Organisation mondiale de la santé et faire davantage pour mobiliser les acteurs privés.
Coopération internationale massive
La crise du Covid-19 a éclaté à un moment critique, accélérant une autre crise déjà profonde, celle qui affecte la coopération internationale. Résoudre ces deux crises exige d’innover en profondeur et de se lancer dans une coopération massive pour parvenir à un équilibre stable entre croissance économique et bien-être social. Nous devons non seulement changer nos institutions et le système économique, mais également nous changer nous-mêmes.
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Cela suppose d’agir dans cinq directions :
1• Œuvrer à un leadership plus inclusif au niveau mondial. Étant données les difficultés que connaissent les relations sino-américaines, les autres pays du G20 doivent collaborer pour trouver de nouvelles idées destinées à répondre à la crise du système de commerce mondial, à l’intensification de la concurrence stérile en matière de technologie et à l’effondrement de la confiance dans les cadres multilatéraux. L’UE, le Royaume-Uni, le Japon, le Canada, l’Indonésie, l’Inde, la Corée du Sud et le Brésil doivent jouer un plus grand rôle pour combler l’absence de leadership.
2• Construire de nouvelles coalitions de leadership multi-niveaux incluant entre autres des ONG, le secteur privé et des cercles de réflexion. Quand le leadership classique de type vertical fait défaut, d’autres doivent émerger.
3• Garantir un processus sans à-coup pour développer, produire et distribuer rapidement et équitablement un vaccin contre le Covid-19. Les pays du G20 doivent honorer leurs engagements en ce sens avec les organisations internationales et les partenaires privés – 8 milliards de dollars annoncés début mai. C’est un défi comme on n’en a jamais vu qui exige une coalition sans précédent.
4• Réunir davantage de moyens pour faire face à la crise financière qui s’annonce dans les pays émergents et dans les pays en développement. Le FMI doit émettre dès à présent une nouvelle tranche de ses Droits de tirage spéciaux. En lien étroit avec la Chine, le Club de Paris des créanciers souverains doit trouver une solution au problème de l’endettement de plus en plus insoutenable de la dette des pays débiteurs.
5• Construire les coalitions voulues pour permettre le succès de la Conférence des Nations unies sur la biodiversité et de la Conférence des Nations unies sur le climat (COP26) l’année prochaine. Le monde a un besoin vital d’une implication plus importante de la communauté internationale sur les questions d’environnement et de climat, notamment pour briser le lien entre perte de l’habitat et zoonoses.
« Le coût de l’inaction atteint déjà des sommets »
Du point de vue d’un homme ou d’une femme du 21° siècle, arguait l’historienne de la première guerre mondiale Margaret MacMillan(2), « on peut accuser ceux qui ont plongé l’Europe dans la guerre de deux choses : un manque d’imagination, pour n’avoir pas réalisé à quel point un tel conflit allait être destructeur, et un manque de courage, pour n’avoir pas fait face à ceux qui disaient qu’il n’y avait d’autres choix que la guerre. Il y a toujours plusieurs choix. » Plutôt que d’accepter passivement l’écroulement du multilatéralisme, nous devons imaginer les nouveaux mécanismes de solidarité nécessaires face à la crise.