CAMBRIDGE – La confiance inspirée par les États-Unis chez ses amis et alliés n’est plus ce qu’elle était. La confiance est étroitement liée à la vérité, une notion avec laquelle le président Donald Trump prend, comme chacun le sait, beaucoup de libertés. Tous les présidents ont certes menti, mais jamais au point d’éroder comme actuellement le niveau de confiance. Plusieurs études internationales révèlent en effet combien la puissance douce d’attraction de l’Amérique a diminué au cours de la présidence Trump.
Le président-élu Joe Biden pourra-t-il rétablir la confiance ? À court terme, certainement. Le changement de style et de politique améliorera nécessairement l’image de l’Amérique dans la plupart des pays. Trump constitue une aberration parmi les présidents américains. La présidence a été son tout premier poste au pouvoir, après une carrière dans le jeu à somme nulle de l’immobilier à New York et de la téléréalité, où les déclarations houleuses vous permettent de capter l’attention des médias et de garder le contrôle sur la voie de vos objectifs.
Par opposition, Biden est un politicien reconnu, fort d’une longue expérience en politique étrangère à l’issue de plusieurs décennies au Sénat et de huit années au poste de vice-président. Depuis l’élection, ses premières déclarations et désignations ont profondément rassuré les alliés des États-Unis.
Le problème chez Trump ne réside pas tant dans son slogan « l’Amérique d’abord ». Comme je le rappelle dans mon livre Do Morals Matter? Presidents and Foreign Policy from FDR to Trump, tous les présidents se voient confier la défense de l’intérêt national. L’importante problématique morale réside davantage dans la manière dont un chef d’État définit cet intérêt national.
Trump a ici privilégié une étroite définition transactionnelle, confondant parfois l’intérêt national avec ses propres intérêts personnels, politiques et financiers, si l’on en croit son ancien conseiller à la sécurité nationale, John Bolton. Par opposition, de nombreux présidents américains, depuis Harry Truman, ont toujours adopté une large vision de l’intérêt de la nation, sans le confondre avec les leurs. Truman savait qu’en aidant autrui, il servirait l’intérêt national des États-Unis, et a même renoncé à donné son nom au plan Marshall d’aide à la reconstruction dans l’Europe d’après-guerre.
Par opposition à nouveau, Trump n’a fait preuve que de mépris pour les alliances et le multilatéralisme, un mépris volontiers affiché lors des rassemblements du G7 et de l’OTAN. Même lorsqu’il a pris des mesures utiles en s’opposant aux pratiques commerciales chinoises abusives, il n’a pas su coordonner la pression contre la Chine, prélevant au lieu de cela des droits de douanes sur les alliés des États-Unis. Pas étonnant que nombre d’entre eux se soient demandé si cette opposition américaine (compréhensible) face au géant technologique chinois Huawei n’était pas motivée davantage par des considérations commerciales que par des questions de sécurité.
Le retrait de Trump hors de l’accord climatique de Paris ainsi que de l’Organisation mondiale de la santé a par ailleurs semé le doute quant à l’engagement américain face aux menaces transnationales telles que le réchauffement planétaire et les pandémies. La volonté de Biden de rejoindre ces deux entités, tout comme ses propos rassurants concernant l’OTAN, auront un effet bénéfique immédiat sur le soft power des États-Unis.
Biden demeurera cependant confronté à un problème de confiance plus profond. De nombreux alliés s’interrogent en effet sur la tournure que prend la démocratie américaine. Comment savoir si un pays qui a produit un dirigeant politique aussi étrange que Donald Trump en 2016 n’en produira pas à nouveau un autre en 2024 ou en 2028 ? La démocratie américaine est-elle en déclin, ce qui rendrait difficile la possibilité de faire confiance au pays ?
L’érosion de la confiance dans le gouvernement et les institutions, qui a participé à l’ascension de Trump, ne date pas de son arrivée au pouvoir. La méfiance à l’égard du pouvoir est une maladie qui s’observe en Amérique depuis un demi-siècle. Au lendemain de la victoire de la Seconde Guerre mondiale, trois quarts des Américains disaient avoir grande confiance dans leur gouvernement. Cette proportion ne s’élevait plus qu’à un quart environ après la guerre du Viêtnam et le scandale du Watergate, dans les années 1960 et 1970. Fort heureusement, le comportement des citoyens sur des questions telles que le respect des obligations fiscales était souvent bien meilleur que ce que suggéraient leurs réponses à ces sondages.
Peut-être la meilleure démonstration de la force et de la résilience qui sous-tendent la culture démocratique américaine réside-t-elle dans l’élection de 2020. En dépit de la plus grave pandémie du siècle, et malgré des prédictions désastreuses quant aux conditions chaotiques des scrutins, un nombre record d’électeurs ont voté, et les milliers de responsables locaux qui ont géré l’élection – républicains, démocrates et indépendants – ont considéré l’exercice honnête de leur tâche comme un devoir civique.
En Géorgie, perdue de justesse par Trump, le secrétaire d’État républicain en charge de contrôler le scrutin a rompu avec les allégations infondées de Trump et d’autres Républicains, en déclarant « J’ai pour devise que les chiffres ne mentent jamais ». Les accusations de fraude massive formulées par Trump devant la justice ont, en l’absence de preuve, été rejetées par les tribunaux les uns après les autres, y compris par les juges installés par Trump. De même, les Républicains du Michigan et de Pennsylvanie se sont opposés à ses efforts d’annulation des élections par les législateurs de ces États. Faisant mentir les prédictions de chaos et de fraude formulées respectivement par la gauche et la droite, la démocratie américaine a prouvé sa force et ses profondes racines locales.
Les Américains, Biden inclus, n’en demeureront pas moins confrontés aux inquiétudes de leurs alliés quant à la capacité des premiers à ne pas élire un nouveau Trump en 2024 ou en 2028. Ces alliés observent pertinemment la polarisation des partis politiques dans le pays, le refus de Trump d’accepter sa défaite, tout comme le refus des leaders républicains du Congrès de condamner son comportement, ou à tout le moins de reconnaître explicitement la victoire de Biden.
Trump a exploité sa base de fervents partisans pour prendre le contrôle du Parti républicain en menaçant de soutenir aux primaires les adversaires de ceux qui n’entreraient pas dans le rang. Les journalistes rapportent qu’environ la moitié des Républicains au Sénat méprisent Trump, mais également le craignent. Si Trump tente de conserver le contrôle du parti après son départ de la Maison-Blanche, Biden aura pour tâche difficile de travailler avec un Sénat aux mains des Républicains.
Heureusement pour les alliés de l’Amérique, même si les facultés politiques de Biden sont mises à rude épreuve, la Constitution des États-Unis confère au président davantage de marge de manœuvre en politique étrangère qu’en politique intérieure, de sorte que les améliorations immédiates sur le plan de la coopération seront réelles. Par ailleurs, contrairement à ce que l’on observait en 2016, année d’élection de Trump, un récent sondage du Chicago Council on Global Affairs révèle que 70 % des Américains souhaitent aujourd’hui une politique étrangère de coopération et d’ouverture sur l’extérieur – un pourcentage record.
À la question persistante sur le long terme de savoir si les alliés peuvent compter sur l’Amérique pour ne pas reproduire l’aberration Trump, aucune réponse certaine ne peut toutefois être apportée. Beaucoup dépendra du contrôle de la pandémie, du rétablissement de l’économie, et des compétences politiques de Biden dans la gestion de la polarisation partisane du pays.
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Personne ne sait quelle tournure prendra la pandémie ou si les récentes augmentations de prix seront transitoires, ce qui signifie que les prévisions économiques sont devenues encore plus hasardeuses que jamais. Néanmoins, certaines tendances doivent être surveillées de plus près que d’autres, et certaines politiques doivent être modifiées quoi qu’il arrive.
Déchirés entre les craintes inflationnistes et la peur de la déflation, les banquiers centraux des principales économies avancées adoptent une approche attentiste potentiellement coûteuse. Seule une refonte progressive de leurs outils et de leurs objectifs peut les aider à jouer un rôle post-pandémique socialement utile.
Bien que les États-Unis soient depuis longtemps à la pointe de la technologie, la Chine constitue un défi de taille dans des domaines clés. Mais, en fin de compte, l’équilibre des forces sera déterminé non pas par le développement technologique, mais par la diplomatie et les choix stratégiques, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays.
Sur plus de 10 000 espèces d’oiseaux, près d’une sur sept est actuellement menacée d’extinction. Le sort des oiseaux, qu’il s’agisse d’individus sauvages ou d’animaux de compagnie, serait plus difficile à ignorer si davantage de personnes comprenaient à quel point ils sont intelligents et complexes.
Historiquement, les succès comme la Conférence de Bretton Woods de 1944 sont beaucoup plus rares que les rassemblements internationaux qui produisent soit de l’inaction, soit des récriminations. La clé est de se concentrer sur ce qui peut être mesuré, plutôt que sur les personnes à blâmer.
La position de l’Inde sur le charbon lors de la récente conférence sur le changement climatique (COP26) a suscité de vives critiques, mais les économies occidentales les plus riches n’ont pas fait grand-chose pour aider la transition écologique des pays en développement. L’Inde, concernée par les conséquences du réchauffement, fera un effort de bonne foi pour contribuer à éviter la catastrophe climatique, mais seulement dans les limites de ce qu’elle peut faire.
L’ère de la « non-paix »Migrants rassemblés à l'intérieur de la zone tampon de la frontière Turquie-Grèce, à Pazarkule, dans le district d'Edirne, le 20 février 2020.
Les récentes tragédies migratoires dans la Manche et aux frontières occidentales de la Biélorussie montrent à quel point les civils sont devenus des armes involontaires dans une nouvelle ère de conflits perpétuels. Les gouvernements se rendant coupables de mauvais comportements sous couvert d’hypocrisie et de déni plausible, une course « vers le fond » est déjà en cours.
La fin du consensus économiqueLa présidente de la Commission européenne Ursula Von Der Leyen lors de laConférence de presse sur la réponse de l'Union européenne à la crise du coronavirus, à Bruxelles, le15 avril 2020.
Alors que le choc de la pandémie de Covid-19 a initialement suscité l’unité et la convergence en Europe, la phase actuelle de la crise est beaucoup plus délicate sur le plan économique et politique. Si elle est mal gérée, elle peut rouvrir de vieilles blessures et briser la légitimité nouvellement acquise des décideurs politiques.
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Le président-élu Joe Biden pourra-t-il rétablir la confiance ? À court terme, certainement. Le changement de style et de politique améliorera nécessairement l’image de l’Amérique dans la plupart des pays. Trump constitue une aberration parmi les présidents américains. La présidence a été son tout premier poste au pouvoir, après une carrière dans le jeu à somme nulle de l’immobilier à New York et de la téléréalité, où les déclarations houleuses vous permettent de capter l’attention des médias et de garder le contrôle sur la voie de vos objectifs.
Par opposition, Biden est un politicien reconnu, fort d’une longue expérience en politique étrangère à l’issue de plusieurs décennies au Sénat et de huit années au poste de vice-président. Depuis l’élection, ses premières déclarations et désignations ont profondément rassuré les alliés des États-Unis.
Le problème chez Trump ne réside pas tant dans son slogan « l’Amérique d’abord ». Comme je le rappelle dans mon livre Do Morals Matter? Presidents and Foreign Policy from FDR to Trump, tous les présidents se voient confier la défense de l’intérêt national. L’importante problématique morale réside davantage dans la manière dont un chef d’État définit cet intérêt national.
Trump a ici privilégié une étroite définition transactionnelle, confondant parfois l’intérêt national avec ses propres intérêts personnels, politiques et financiers, si l’on en croit son ancien conseiller à la sécurité nationale, John Bolton. Par opposition, de nombreux présidents américains, depuis Harry Truman, ont toujours adopté une large vision de l’intérêt de la nation, sans le confondre avec les leurs. Truman savait qu’en aidant autrui, il servirait l’intérêt national des États-Unis, et a même renoncé à donné son nom au plan Marshall d’aide à la reconstruction dans l’Europe d’après-guerre.
Par opposition à nouveau, Trump n’a fait preuve que de mépris pour les alliances et le multilatéralisme, un mépris volontiers affiché lors des rassemblements du G7 et de l’OTAN. Même lorsqu’il a pris des mesures utiles en s’opposant aux pratiques commerciales chinoises abusives, il n’a pas su coordonner la pression contre la Chine, prélevant au lieu de cela des droits de douanes sur les alliés des États-Unis. Pas étonnant que nombre d’entre eux se soient demandé si cette opposition américaine (compréhensible) face au géant technologique chinois Huawei n’était pas motivée davantage par des considérations commerciales que par des questions de sécurité.
Le retrait de Trump hors de l’accord climatique de Paris ainsi que de l’Organisation mondiale de la santé a par ailleurs semé le doute quant à l’engagement américain face aux menaces transnationales telles que le réchauffement planétaire et les pandémies. La volonté de Biden de rejoindre ces deux entités, tout comme ses propos rassurants concernant l’OTAN, auront un effet bénéfique immédiat sur le soft power des États-Unis.
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Biden demeurera cependant confronté à un problème de confiance plus profond. De nombreux alliés s’interrogent en effet sur la tournure que prend la démocratie américaine. Comment savoir si un pays qui a produit un dirigeant politique aussi étrange que Donald Trump en 2016 n’en produira pas à nouveau un autre en 2024 ou en 2028 ? La démocratie américaine est-elle en déclin, ce qui rendrait difficile la possibilité de faire confiance au pays ?
L’érosion de la confiance dans le gouvernement et les institutions, qui a participé à l’ascension de Trump, ne date pas de son arrivée au pouvoir. La méfiance à l’égard du pouvoir est une maladie qui s’observe en Amérique depuis un demi-siècle. Au lendemain de la victoire de la Seconde Guerre mondiale, trois quarts des Américains disaient avoir grande confiance dans leur gouvernement. Cette proportion ne s’élevait plus qu’à un quart environ après la guerre du Viêtnam et le scandale du Watergate, dans les années 1960 et 1970. Fort heureusement, le comportement des citoyens sur des questions telles que le respect des obligations fiscales était souvent bien meilleur que ce que suggéraient leurs réponses à ces sondages.
Peut-être la meilleure démonstration de la force et de la résilience qui sous-tendent la culture démocratique américaine réside-t-elle dans l’élection de 2020. En dépit de la plus grave pandémie du siècle, et malgré des prédictions désastreuses quant aux conditions chaotiques des scrutins, un nombre record d’électeurs ont voté, et les milliers de responsables locaux qui ont géré l’élection – républicains, démocrates et indépendants – ont considéré l’exercice honnête de leur tâche comme un devoir civique.
En Géorgie, perdue de justesse par Trump, le secrétaire d’État républicain en charge de contrôler le scrutin a rompu avec les allégations infondées de Trump et d’autres Républicains, en déclarant « J’ai pour devise que les chiffres ne mentent jamais ». Les accusations de fraude massive formulées par Trump devant la justice ont, en l’absence de preuve, été rejetées par les tribunaux les uns après les autres, y compris par les juges installés par Trump. De même, les Républicains du Michigan et de Pennsylvanie se sont opposés à ses efforts d’annulation des élections par les législateurs de ces États. Faisant mentir les prédictions de chaos et de fraude formulées respectivement par la gauche et la droite, la démocratie américaine a prouvé sa force et ses profondes racines locales.
Les Américains, Biden inclus, n’en demeureront pas moins confrontés aux inquiétudes de leurs alliés quant à la capacité des premiers à ne pas élire un nouveau Trump en 2024 ou en 2028. Ces alliés observent pertinemment la polarisation des partis politiques dans le pays, le refus de Trump d’accepter sa défaite, tout comme le refus des leaders républicains du Congrès de condamner son comportement, ou à tout le moins de reconnaître explicitement la victoire de Biden.
Trump a exploité sa base de fervents partisans pour prendre le contrôle du Parti républicain en menaçant de soutenir aux primaires les adversaires de ceux qui n’entreraient pas dans le rang. Les journalistes rapportent qu’environ la moitié des Républicains au Sénat méprisent Trump, mais également le craignent. Si Trump tente de conserver le contrôle du parti après son départ de la Maison-Blanche, Biden aura pour tâche difficile de travailler avec un Sénat aux mains des Républicains.
Heureusement pour les alliés de l’Amérique, même si les facultés politiques de Biden sont mises à rude épreuve, la Constitution des États-Unis confère au président davantage de marge de manœuvre en politique étrangère qu’en politique intérieure, de sorte que les améliorations immédiates sur le plan de la coopération seront réelles. Par ailleurs, contrairement à ce que l’on observait en 2016, année d’élection de Trump, un récent sondage du Chicago Council on Global Affairs révèle que 70 % des Américains souhaitent aujourd’hui une politique étrangère de coopération et d’ouverture sur l’extérieur – un pourcentage record.
À la question persistante sur le long terme de savoir si les alliés peuvent compter sur l’Amérique pour ne pas reproduire l’aberration Trump, aucune réponse certaine ne peut toutefois être apportée. Beaucoup dépendra du contrôle de la pandémie, du rétablissement de l’économie, et des compétences politiques de Biden dans la gestion de la polarisation partisane du pays.