La domination qu’elles exercent sur leurs marchés et la manière dont elles échappent à l’impôt provoque des réactions croissantes contre les grandes entreprises du numérique. Une structure internationale est nécessaire pour faciliter la coordination des politiques et fixer les standards de l’économie numérique. Mais un tel horizon reste lointain.
La vague de critiques adressées aux plates-formes technologiques américaines et à leurs homologues chinoises dérive de deux préoccupations. On craint que la taille de ces entreprises et leur position dominante sur le marché leur permettent d’acheter ou même d’écraser des concurrents potentiels. Et on considère que les taxes qu’elles paient ne sont pas proportionnelles à leur taille, leur échelle et leur importance. De plus, avec l’avènement d’innovations telles que les cryptomonnaies, qui fonctionnent en grande partie en dehors des contraintes gouvernementales, certains craignent que les Big Tech ne deviennent une menace pour l’autorité de l’État elle-même.
Ces géants de la technologie semblent fonctionner comme s’ils n’étaient pas soumis aux règles et règlements qui contraignent les autres entreprises. En collectant, vendant et déployant les données des utilisateurs pour en influencer le comportement, façonner la sphère publique et maintenir un avantage sur le marché, ils sont perçus comme défiant les valeurs fondamentales de la vie privée et de l’autonomie personnelle. Les révélations successives sur l’utilisation inappropriée des données personnelles ont suscité la méfiance du public et conduit à de nouvelles réglementations, comme le règlement général de l’Union européenne sur la protection des données de 2016.
Internet balkanisé
Les mesures officielles ont toutefois tendance à être peu nombreuses et limitées dans leurs ambitions. Elles se révèlent donc largement inadéquates dans un monde où le manque de gouvernance globale dans le domaine de la technologie devient criant. En l’absence de toute autorité réglementaire efficace, les entreprises technologiques sont en fait des entités supranationales qui opèrent hors de portée des États, ce qui leur permet de procéder à des arbitrages fiscaux et réglementaires.
La menace d’un véritable éclatement de l’économie numérique mondiale entre la Chine et les États-Unis rend plus urgente que jamais la nécessité d’une structure de surveillance mondiale. Un Internet balkanisé rendrait beaucoup plus difficile la résolution des problèmes spécifiques aux technologies ainsi que l’instauration de normes et de protocoles mondiaux sur l’utilisation des données, l’intelligence artificielle et d’autres aspects de l’économie numérique.
Il existe plusieurs modèles de structures pour celle dont nous avons besoin maintenant. Après la Seconde Guerre mondiale, le Conseil de Sécurité des Nations unies a été créé pour maintenir la sécurité mondiale, et l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (qui est devenu plus tard l’Organisation mondiale du commerce) a été mis en place pour régir le commerce international. La Banque mondiale a été créée pour faciliter le développement économique, et le Fonds monétaire international pour assurer la stabilité financière mondiale. Parmi les innovations institutionnelles plus récentes, on peut citer le G20 et des conventions spécifiques telles que la Conférence des parties des Nations unies pour lutter contre le changement climatique et d’autres risques mondiaux.
Trois clés pour une gouvernance numérique
Pour créer une structure internationale relative à la technologie, les pays devront d’abord décider de la forme de base que devrait prendre la gouvernance transfrontalière. Le choix se fait entre une approche formelle et spécifique fondée sur des règles ou un ensemble d’accords plus souples, fondés sur des principes. Si l’on met de côté les arguments qui peuvent être avancés pour l’une ou l’autre option, il est clair que tout système mondial efficace doit présenter trois caractéristiques essentielles.
Premièrement, un cadre de gouvernance internationale doit être suffisamment ouvert et flexible pour combler le fossé entre le capitalisme démocratique occidental et les modèles asiatiques de développement, dirigés par les États. Cela ne sera pas chose facile. Les pays devront mettre de côté des intérêts nationaux profondément ancrés et conclure des accords de coopération dans les domaines où ils se sentiront naturellement enclins à rivaliser. Par exemple, demander aux pays de coopérer en matière de cybersécurité exige un sens diplomatique de la part des puissances rivales qui rivalisent pour obtenir l’avantage mondial en se fondant sur des valeurs et des priorités différentes. Un pays peut avoir plus à gagner que d’autres dans un monde où le cyber-espionnage contre les entreprises et autres institutions est courant.
De même, il faudra faire preuve de compromis et d’une diplomatie prudente pour surmonter les différences nationales et culturelles en matière de respect de la vie privée et de traitement des données personnelles. Dans ce cas, les signataires de tout accord international devront trouver un juste milieu entre les pays qui considèrent les données personnelles comme une ressource à la disposition des États pour résoudre les problèmes de société, et ceux qui considèrent la vie privée des individus comme quasi-sacrée.
La deuxième clé de la gouvernance technologique mondiale est de veiller à ce que les principaux pays en développement jouent un rôle central dans la définition des priorités, la mise en œuvre des innovations politiques, l’application des règles existantes et le règlement des différends. Cette condition est nécessaire (mais non suffisante) pour garantir la confiance dans tout nouveau cadre international.
Internet du Sud
En l’état actuel des choses, les tensions entre pays développés et pays en développement au sein des organisations multilatérales existantes ont tendance à mettre ce dernier groupe à l’écart. En conséquence, les principales économies émergentes (en particulier la Chine) ont commencé à mettre en place des institutions de gouvernance concurrentes telles que la nouvelle Banque de développement, la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures et l’Initiative «Belt and Road», contournant ainsi les organismes traditionnellement dominés par l’Occident comme la Banque mondiale.
Enfin, la gouvernance mondiale de l’économie numérique doit avoir la force pour faire respecter les règles et principes convenus, faute de quoi les superpuissances technologiques actuelles ignoreront tout simplement le nouveau cadre, le rendant ainsi inutile.
En fin de compte, la gouvernance mondiale est la seule véritable solution. Les propositions visant à dépecer les grandes entreprises technologiques sont contre-productives. Le démantèlement des plateformes et conglomérats numériques actuels pourrait entraîner une destruction de valeur énorme, une perte de synergies, mettre en péril des milliers d’emplois hautement qualifiés et affaiblir fondamentalement l’efficience et l’efficacité du secteur technologique dans son ensemble.
Compte tenu de ces coûts potentiels, la meilleure façon d’avancer est d’élaborer un nouveau cadre mondial qui équilibre les besoins du monde développé et du monde en développement, tout en étant ambitieux. Si les forces de division l’emportent sur les partisans du multilatéralisme et de la coopération, les effets de l’éclatement de l’Internet se feront sentir partout. Ils se manifesteront dans les échanges et autres formes de commerce transfrontalier et, en fin de compte, dans les pertes de bien-être qu’implique le ralentissement de la croissance économique.
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Personne ne sait quelle tournure prendra la pandémie ou si les récentes augmentations de prix seront transitoires, ce qui signifie que les prévisions économiques sont devenues encore plus hasardeuses que jamais. Néanmoins, certaines tendances doivent être surveillées de plus près que d’autres, et certaines politiques doivent être modifiées quoi qu’il arrive.
Déchirés entre les craintes inflationnistes et la peur de la déflation, les banquiers centraux des principales économies avancées adoptent une approche attentiste potentiellement coûteuse. Seule une refonte progressive de leurs outils et de leurs objectifs peut les aider à jouer un rôle post-pandémique socialement utile.
Bien que les États-Unis soient depuis longtemps à la pointe de la technologie, la Chine constitue un défi de taille dans des domaines clés. Mais, en fin de compte, l’équilibre des forces sera déterminé non pas par le développement technologique, mais par la diplomatie et les choix stratégiques, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays.
Sur plus de 10 000 espèces d’oiseaux, près d’une sur sept est actuellement menacée d’extinction. Le sort des oiseaux, qu’il s’agisse d’individus sauvages ou d’animaux de compagnie, serait plus difficile à ignorer si davantage de personnes comprenaient à quel point ils sont intelligents et complexes.
Historiquement, les succès comme la Conférence de Bretton Woods de 1944 sont beaucoup plus rares que les rassemblements internationaux qui produisent soit de l’inaction, soit des récriminations. La clé est de se concentrer sur ce qui peut être mesuré, plutôt que sur les personnes à blâmer.
La position de l’Inde sur le charbon lors de la récente conférence sur le changement climatique (COP26) a suscité de vives critiques, mais les économies occidentales les plus riches n’ont pas fait grand-chose pour aider la transition écologique des pays en développement. L’Inde, concernée par les conséquences du réchauffement, fera un effort de bonne foi pour contribuer à éviter la catastrophe climatique, mais seulement dans les limites de ce qu’elle peut faire.
L’ère de la « non-paix »Migrants rassemblés à l'intérieur de la zone tampon de la frontière Turquie-Grèce, à Pazarkule, dans le district d'Edirne, le 20 février 2020.
Les récentes tragédies migratoires dans la Manche et aux frontières occidentales de la Biélorussie montrent à quel point les civils sont devenus des armes involontaires dans une nouvelle ère de conflits perpétuels. Les gouvernements se rendant coupables de mauvais comportements sous couvert d’hypocrisie et de déni plausible, une course « vers le fond » est déjà en cours.
La fin du consensus économiqueLa présidente de la Commission européenne Ursula Von Der Leyen lors de laConférence de presse sur la réponse de l'Union européenne à la crise du coronavirus, à Bruxelles, le15 avril 2020.
Alors que le choc de la pandémie de Covid-19 a initialement suscité l’unité et la convergence en Europe, la phase actuelle de la crise est beaucoup plus délicate sur le plan économique et politique. Si elle est mal gérée, elle peut rouvrir de vieilles blessures et briser la légitimité nouvellement acquise des décideurs politiques.
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La vague de critiques adressées aux plates-formes technologiques américaines et à leurs homologues chinoises dérive de deux préoccupations. On craint que la taille de ces entreprises et leur position dominante sur le marché leur permettent d’acheter ou même d’écraser des concurrents potentiels. Et on considère que les taxes qu’elles paient ne sont pas proportionnelles à leur taille, leur échelle et leur importance. De plus, avec l’avènement d’innovations telles que les cryptomonnaies, qui fonctionnent en grande partie en dehors des contraintes gouvernementales, certains craignent que les Big Tech ne deviennent une menace pour l’autorité de l’État elle-même.
Ces géants de la technologie semblent fonctionner comme s’ils n’étaient pas soumis aux règles et règlements qui contraignent les autres entreprises. En collectant, vendant et déployant les données des utilisateurs pour en influencer le comportement, façonner la sphère publique et maintenir un avantage sur le marché, ils sont perçus comme défiant les valeurs fondamentales de la vie privée et de l’autonomie personnelle. Les révélations successives sur l’utilisation inappropriée des données personnelles ont suscité la méfiance du public et conduit à de nouvelles réglementations, comme le règlement général de l’Union européenne sur la protection des données de 2016.
Internet balkanisé
Les mesures officielles ont toutefois tendance à être peu nombreuses et limitées dans leurs ambitions. Elles se révèlent donc largement inadéquates dans un monde où le manque de gouvernance globale dans le domaine de la technologie devient criant. En l’absence de toute autorité réglementaire efficace, les entreprises technologiques sont en fait des entités supranationales qui opèrent hors de portée des États, ce qui leur permet de procéder à des arbitrages fiscaux et réglementaires.
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La menace d’un véritable éclatement de l’économie numérique mondiale entre la Chine et les États-Unis rend plus urgente que jamais la nécessité d’une structure de surveillance mondiale. Un Internet balkanisé rendrait beaucoup plus difficile la résolution des problèmes spécifiques aux technologies ainsi que l’instauration de normes et de protocoles mondiaux sur l’utilisation des données, l’intelligence artificielle et d’autres aspects de l’économie numérique.
Il existe plusieurs modèles de structures pour celle dont nous avons besoin maintenant. Après la Seconde Guerre mondiale, le Conseil de Sécurité des Nations unies a été créé pour maintenir la sécurité mondiale, et l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (qui est devenu plus tard l’Organisation mondiale du commerce) a été mis en place pour régir le commerce international. La Banque mondiale a été créée pour faciliter le développement économique, et le Fonds monétaire international pour assurer la stabilité financière mondiale. Parmi les innovations institutionnelles plus récentes, on peut citer le G20 et des conventions spécifiques telles que la Conférence des parties des Nations unies pour lutter contre le changement climatique et d’autres risques mondiaux.
Trois clés pour une gouvernance numérique
Pour créer une structure internationale relative à la technologie, les pays devront d’abord décider de la forme de base que devrait prendre la gouvernance transfrontalière. Le choix se fait entre une approche formelle et spécifique fondée sur des règles ou un ensemble d’accords plus souples, fondés sur des principes. Si l’on met de côté les arguments qui peuvent être avancés pour l’une ou l’autre option, il est clair que tout système mondial efficace doit présenter trois caractéristiques essentielles.
Premièrement, un cadre de gouvernance internationale doit être suffisamment ouvert et flexible pour combler le fossé entre le capitalisme démocratique occidental et les modèles asiatiques de développement, dirigés par les États. Cela ne sera pas chose facile. Les pays devront mettre de côté des intérêts nationaux profondément ancrés et conclure des accords de coopération dans les domaines où ils se sentiront naturellement enclins à rivaliser. Par exemple, demander aux pays de coopérer en matière de cybersécurité exige un sens diplomatique de la part des puissances rivales qui rivalisent pour obtenir l’avantage mondial en se fondant sur des valeurs et des priorités différentes. Un pays peut avoir plus à gagner que d’autres dans un monde où le cyber-espionnage contre les entreprises et autres institutions est courant.
De même, il faudra faire preuve de compromis et d’une diplomatie prudente pour surmonter les différences nationales et culturelles en matière de respect de la vie privée et de traitement des données personnelles. Dans ce cas, les signataires de tout accord international devront trouver un juste milieu entre les pays qui considèrent les données personnelles comme une ressource à la disposition des États pour résoudre les problèmes de société, et ceux qui considèrent la vie privée des individus comme quasi-sacrée.
La deuxième clé de la gouvernance technologique mondiale est de veiller à ce que les principaux pays en développement jouent un rôle central dans la définition des priorités, la mise en œuvre des innovations politiques, l’application des règles existantes et le règlement des différends. Cette condition est nécessaire (mais non suffisante) pour garantir la confiance dans tout nouveau cadre international.
Internet du Sud
En l’état actuel des choses, les tensions entre pays développés et pays en développement au sein des organisations multilatérales existantes ont tendance à mettre ce dernier groupe à l’écart. En conséquence, les principales économies émergentes (en particulier la Chine) ont commencé à mettre en place des institutions de gouvernance concurrentes telles que la nouvelle Banque de développement, la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures et l’Initiative «Belt and Road», contournant ainsi les organismes traditionnellement dominés par l’Occident comme la Banque mondiale.
Enfin, la gouvernance mondiale de l’économie numérique doit avoir la force pour faire respecter les règles et principes convenus, faute de quoi les superpuissances technologiques actuelles ignoreront tout simplement le nouveau cadre, le rendant ainsi inutile.
En fin de compte, la gouvernance mondiale est la seule véritable solution. Les propositions visant à dépecer les grandes entreprises technologiques sont contre-productives. Le démantèlement des plateformes et conglomérats numériques actuels pourrait entraîner une destruction de valeur énorme, une perte de synergies, mettre en péril des milliers d’emplois hautement qualifiés et affaiblir fondamentalement l’efficience et l’efficacité du secteur technologique dans son ensemble.
Compte tenu de ces coûts potentiels, la meilleure façon d’avancer est d’élaborer un nouveau cadre mondial qui équilibre les besoins du monde développé et du monde en développement, tout en étant ambitieux. Si les forces de division l’emportent sur les partisans du multilatéralisme et de la coopération, les effets de l’éclatement de l’Internet se feront sentir partout. Ils se manifesteront dans les échanges et autres formes de commerce transfrontalier et, en fin de compte, dans les pertes de bien-être qu’implique le ralentissement de la croissance économique.