Donner son vrai prix au carbone
S’il existe une mesure unique qui rend compte de la complexité, de l’ambition et des difficultés de la politique climatique, c’est le « coût social du carbone » (CSC).
S’il existe une mesure unique qui rend compte de la complexité, de l’ambition et des difficultés de la politique climatique, c’est le « coût social du carbone » (CSC).
Personne ne sait quelle tournure prendra la pandémie ou si les récentes augmentations de prix seront transitoires, ce qui signifie que les prévisions économiques sont devenues encore plus hasardeuses que jamais. Néanmoins, certaines tendances doivent être surveillées de plus près que d’autres, et certaines politiques doivent être modifiées quoi qu’il arrive.
Déchirés entre les craintes inflationnistes et la peur de la déflation, les banquiers centraux des principales économies avancées adoptent une approche attentiste potentiellement coûteuse. Seule une refonte progressive de leurs outils et de leurs objectifs peut les aider à jouer un rôle post-pandémique socialement utile.
Bien que les États-Unis soient depuis longtemps à la pointe de la technologie, la Chine constitue un défi de taille dans des domaines clés. Mais, en fin de compte, l’équilibre des forces sera déterminé non pas par le développement technologique, mais par la diplomatie et les choix stratégiques, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays.
Sur plus de 10 000 espèces d’oiseaux, près d’une sur sept est actuellement menacée d’extinction. Le sort des oiseaux, qu’il s’agisse d’individus sauvages ou d’animaux de compagnie, serait plus difficile à ignorer si davantage de personnes comprenaient à quel point ils sont intelligents et complexes.
La position de l’Inde sur le charbon lors de la récente conférence sur le changement climatique (COP26) a suscité de vives critiques, mais les économies occidentales les plus riches n’ont pas fait grand-chose pour aider la transition écologique des pays en développement. L’Inde, concernée par les conséquences du réchauffement, fera un effort de bonne foi pour contribuer à éviter la catastrophe climatique, mais seulement dans les limites de ce qu’elle peut faire.
Les récentes tragédies migratoires dans la Manche et aux frontières occidentales de la Biélorussie montrent à quel point les civils sont devenus des armes involontaires dans une nouvelle ère de conflits perpétuels. Les gouvernements se rendant coupables de mauvais comportements sous couvert d’hypocrisie et de déni plausible, une course « vers le fond » est déjà en cours.
Alors que le choc de la pandémie de Covid-19 a initialement suscité l’unité et la convergence en Europe, la phase actuelle de la crise est beaucoup plus délicate sur le plan économique et politique. Si elle est mal gérée, elle peut rouvrir de vieilles blessures et briser la légitimité nouvellement acquise des décideurs politiques.
Combien chaque tonne de dioxyde de carbone émise dans l’atmosphère coûte-t-elle à la société ? Combien devrait-il en coûter à chacun d’entre nous d’émettre du CO2 dans le cadre de nos activités quotidiennes ? Et où tracer la ligne entre les faits avérés sur le changement climatique et les décisions politiques sur qui devrait supporter quels coûts ? Ces questions ne sont pas qu’académiques.
Mettre un prix correct sur le carbone pourrait éviter les coûts faramineux liés au changement climatique. Cela aiderait à déterminer si des projets d’infrastructure (des pipelines aux pistes cyclables) sont viables, si votre prochaine plaque électrique doit être à induction ou à gaz, quelle taille doit avoir votre prochaine maison et sa distance à votre lieu de travail. Déterminer le coût social du carbone (CSC), c’est créer un indicateur crucial pour les années à venir : un outil de mesure puissant, et aussi une lentille à travers laquelle on peut voir le monde.
Nous ne pouvons plus ignorer les compromis inhérents entre l’activité économique et un climat stable, entre le profit à court terme et la durabilité à long terme, entre la souffrance privée et publique. Calculer le CSC permet d’améliorer notre prise de décision dans des conditions d’incertitude, et de révéler les véritables limites (politiques et autres) auxquelles nous sommes confrontés.
Le CSC peut prendre pratiquement n’importe quelle valeur, de zéro à l’infini. Le zéro indiquerait que les émissions de CO2 n’ont aucun impact sur le changement climatique ; l’infini signifierait que la libération d’une seule tonne supplémentaire de CO2 mettrait fin à la civilisation telle que nous la connaissons. Dans cette immense fourchette, les économistes peuvent proposer un prix « optimal » basé sur la science connue. Mais la politique restera le facteur déterminant en fin de compte.
William Nordhaus, pionnier
Au milieu des années 1970, William Nordhaus de l’université de Yale est devenu le premier économiste à concevoir une analyse coûts-avantages du changement climatique. En 1992, il a publié la première version de son modèle dynamique intégré de climat-économie (Dice), qui lui a valu un prix Nobel d’économie bien tardif. Sa principale vertu était la simplicité : Dice résumait l’analyse coût-bénéfices la plus ambitieuse au monde en moins de 20 équations principales, dont seulement trois représentaient le climat 1 mondial.
Sur cette base, William Nordhaus a recommandé un CSC de 2,50 dollars par tonne (en dollars d’aujourd’hui). Ce chiffre résulte d’une hypothèse de prix mondial « optimal » du carbone qui augmente avec le temps. Après quelques ajustements supplémentaires, le même calcul effectué aujourd’hui donnerait un prix d’environ 40 dollars par tonne. Mais la voie « optimale » de Nordhaus, à savoir un réchauffement climatique de 3°C au-dessus des niveaux préindustriels d’ici 2100, serait désastreuse pour la civilisation humaine.
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Que même ExxonMobil soutienne aujourd’hui une taxe sur le carbone de l’ordre de 40 dollars par tonne est révélateur. Une CSC aussi faible ne permettra pas d’opérer les changements nécessaires pour atteindre des émissions nettes de CO2 nulles dans les deux ou trois prochaines décennies. Pour ne pas évoluer vers un monde où aucun homme n’habitait la planète et rester dans la zone tempérée dans laquelle la civilisation humaine a prospéré, un CSC bien supérieur est nécessaire.
Si l’on met à jour le modèle Dice en fonction du dernier consensus scientifique sur le climat, le CSC recommandé s’établit entre 100 dollars et 200 dollars. Et si l’on adopte un nouveau modèle qui reflète mieux la pensée financière et économique moderne en matière de risque et d’incertitude, le CSC augmente encore.
Une taxe sur le carbone ne devrait pas être la seule réponse au réchauffement. Les questions relatives à la décarbonisation sont intensément politiques, et pour de bonnes raisons : elles mènent à des décisions difficiles en matière d’éthique et de répartition des richesses. Et les économistes ont fait d’énormes progrès sur la question du climat. Des codes de construction efficaces pour les maisons à très basse consommation d’énergie allemandes aux investissements en faveur d’un déploiement rapide des énergies renouvelables et des technologies de capture du carbone, bien des idées nouvelles ont rejoint celle d’une « taxe mondiale uniforme sur le carbone ». Mais sur celle-ci, la question de savoir s’il faut aligner les prix et les objectifs sur les dernières avancées scientifiques ne doit pas faire l’objet de débat.