La journaliste Monique Atlan et le philosophe Roger-Pol Droit (également auteur de Choisir la vie dans SAY3 ) entretiennent une collaboration fructueuse. Le Sens des limites est leur troisième ouvrage commun.
« Impossible de tout emporter. Impossible et inutile. Le choix est imposé par la valise, par ses limites. Exercice de style. Le plus de possibilités dans le moins d'espace. Concision, efficacité. Sobriété d'une vie ramenée à l'essentiel, temporairement. Juste ce qu'il faut. Avec un peu d'inutile, quand même, pour la beauté du geste. Au cas où. On ne sait jamais. Et si d'aventure. Pourquoi pas, si ça tient. »
Peu de concepts permettent de traverser l’histoire et les disciplines pour éclairer l’actualité. Dans un essai vif et passionnant, Monique Atlan et Roger-Pol Droit en détectent un, à travers un « phénomène inédit » qui affecte tous les secteurs de l’activité et interroge « les contours à venir de l’humanité » : « Ce qu’il y a de radicalement neuf n’est pas l’éternel combat […] pour dépasser les limites […] c’est […] le désir obstiné de leur effacement ». Qu’il s’agisse de mondialisation, de transformation numérique, d’abolition des différences entre les intelligences animales, humaines ou artificielles, un mouvement d’envergure pour « dissoudre les limites » (perçues comme des entraves) s’opère. Un exemple est la revendication de l’inanité du genre, que ce soit dans la sexuation des individus (reconnaissance de la diversité des identités sexuelles qui ne doivent plus être réduites dans les termes d’une logique binaire), dans la langue (avec l’écriture inclusive), dans la littérature (à travers la suppression des genres littéraires). Partout, l’aspiration à la fluidité, à la mobilité, à l’indifférencié et à l’illimité agit. En réaction, notent les auteurs, une tendance inverse au durcissement des limites, au repli sur soi, au rejet de l’altérité voire à la xénophobie est à l’œuvre. Homo illimitatus et Homo limitans s’affrontent et leur combat aboutit à une impasse. Comment sortir de l’aporie ?
« Ce qui bloque la réflexion, c’est la représentation rigide de la limite-barrière, à faire sauter pour se libérer, à fortifier pour se protéger. » Pour sortir de cette logique du tout ou rien, les auteurs, après avoir mis en perspective l’évolution des principales représentations des limites, mettent l’accent sur l’idée que la limite organise la vie, sous toutes ses formes. Vie biologique, vie du langage, mais aussi vie intellectuelle, éthique, politique et sociale sont impossibles sans des limites, qui s’avèrent plus riches et complexes qu’on ne le pense. Ainsi s’élabore pas-à-pas une réflexion autour de ce qui constitue « notre ‘‘sens des limites’’ entendu […] comme un guide pour agir ». Formant le cœur de notre faculté critique, ce sens des limites exploite toute la gamme des fonctions qu’endossent les limites (qui séparent et unissent, se révèlent insuppressibles et malgré tout mobiles, interdictrices et protectrices) pour diriger notre action de manière avertie et responsable. Ne faut-il donc pas voir en lui une autre formulation possible de l’exigence éthique ?
Le Sens des limites, Monique Atlan et Roger-Pol Droit. Editions de l’Observatoire, Humensis, 2021, ISBN : 979 10 329 1621 6, 256 pages, 21 €
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Personne ne sait quelle tournure prendra la pandémie ou si les récentes augmentations de prix seront transitoires, ce qui signifie que les prévisions économiques sont devenues encore plus hasardeuses que jamais. Néanmoins, certaines tendances doivent être surveillées de plus près que d’autres, et certaines politiques doivent être modifiées quoi qu’il arrive.
Déchirés entre les craintes inflationnistes et la peur de la déflation, les banquiers centraux des principales économies avancées adoptent une approche attentiste potentiellement coûteuse. Seule une refonte progressive de leurs outils et de leurs objectifs peut les aider à jouer un rôle post-pandémique socialement utile.
Bien que les États-Unis soient depuis longtemps à la pointe de la technologie, la Chine constitue un défi de taille dans des domaines clés. Mais, en fin de compte, l’équilibre des forces sera déterminé non pas par le développement technologique, mais par la diplomatie et les choix stratégiques, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays.
Sur plus de 10 000 espèces d’oiseaux, près d’une sur sept est actuellement menacée d’extinction. Le sort des oiseaux, qu’il s’agisse d’individus sauvages ou d’animaux de compagnie, serait plus difficile à ignorer si davantage de personnes comprenaient à quel point ils sont intelligents et complexes.
Historiquement, les succès comme la Conférence de Bretton Woods de 1944 sont beaucoup plus rares que les rassemblements internationaux qui produisent soit de l’inaction, soit des récriminations. La clé est de se concentrer sur ce qui peut être mesuré, plutôt que sur les personnes à blâmer.
La position de l’Inde sur le charbon lors de la récente conférence sur le changement climatique (COP26) a suscité de vives critiques, mais les économies occidentales les plus riches n’ont pas fait grand-chose pour aider la transition écologique des pays en développement. L’Inde, concernée par les conséquences du réchauffement, fera un effort de bonne foi pour contribuer à éviter la catastrophe climatique, mais seulement dans les limites de ce qu’elle peut faire.
L’ère de la « non-paix »Migrants rassemblés à l'intérieur de la zone tampon de la frontière Turquie-Grèce, à Pazarkule, dans le district d'Edirne, le 20 février 2020.
Les récentes tragédies migratoires dans la Manche et aux frontières occidentales de la Biélorussie montrent à quel point les civils sont devenus des armes involontaires dans une nouvelle ère de conflits perpétuels. Les gouvernements se rendant coupables de mauvais comportements sous couvert d’hypocrisie et de déni plausible, une course « vers le fond » est déjà en cours.
La fin du consensus économiqueLa présidente de la Commission européenne Ursula Von Der Leyen lors de laConférence de presse sur la réponse de l'Union européenne à la crise du coronavirus, à Bruxelles, le15 avril 2020.
Alors que le choc de la pandémie de Covid-19 a initialement suscité l’unité et la convergence en Europe, la phase actuelle de la crise est beaucoup plus délicate sur le plan économique et politique. Si elle est mal gérée, elle peut rouvrir de vieilles blessures et briser la légitimité nouvellement acquise des décideurs politiques.
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« Impossible de tout emporter. Impossible et inutile. Le choix est imposé par la valise, par ses limites. Exercice de style. Le plus de possibilités dans le moins d'espace. Concision, efficacité. Sobriété d'une vie ramenée à l'essentiel, temporairement. Juste ce qu'il faut. Avec un peu d'inutile, quand même, pour la beauté du geste. Au cas où. On ne sait jamais. Et si d'aventure. Pourquoi pas, si ça tient. »
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Peu de concepts permettent de traverser l’histoire et les disciplines pour éclairer l’actualité. Dans un essai vif et passionnant, Monique Atlan et Roger-Pol Droit en détectent un, à travers un « phénomène inédit » qui affecte tous les secteurs de l’activité et interroge « les contours à venir de l’humanité » : « Ce qu’il y a de radicalement neuf n’est pas l’éternel combat […] pour dépasser les limites […] c’est […] le désir obstiné de leur effacement ». Qu’il s’agisse de mondialisation, de transformation numérique, d’abolition des différences entre les intelligences animales, humaines ou artificielles, un mouvement d’envergure pour « dissoudre les limites » (perçues comme des entraves) s’opère. Un exemple est la revendication de l’inanité du genre, que ce soit dans la sexuation des individus (reconnaissance de la diversité des identités sexuelles qui ne doivent plus être réduites dans les termes d’une logique binaire), dans la langue (avec l’écriture inclusive), dans la littérature (à travers la suppression des genres littéraires). Partout, l’aspiration à la fluidité, à la mobilité, à l’indifférencié et à l’illimité agit. En réaction, notent les auteurs, une tendance inverse au durcissement des limites, au repli sur soi, au rejet de l’altérité voire à la xénophobie est à l’œuvre. Homo illimitatus et Homo limitans s’affrontent et leur combat aboutit à une impasse. Comment sortir de l’aporie ?
« Ce qui bloque la réflexion, c’est la représentation rigide de la limite-barrière, à faire sauter pour se libérer, à fortifier pour se protéger. » Pour sortir de cette logique du tout ou rien, les auteurs, après avoir mis en perspective l’évolution des principales représentations des limites, mettent l’accent sur l’idée que la limite organise la vie, sous toutes ses formes. Vie biologique, vie du langage, mais aussi vie intellectuelle, éthique, politique et sociale sont impossibles sans des limites, qui s’avèrent plus riches et complexes qu’on ne le pense. Ainsi s’élabore pas-à-pas une réflexion autour de ce qui constitue « notre ‘‘sens des limites’’ entendu […] comme un guide pour agir ». Formant le cœur de notre faculté critique, ce sens des limites exploite toute la gamme des fonctions qu’endossent les limites (qui séparent et unissent, se révèlent insuppressibles et malgré tout mobiles, interdictrices et protectrices) pour diriger notre action de manière avertie et responsable. Ne faut-il donc pas voir en lui une autre formulation possible de l’exigence éthique ?
Le Sens des limites, Monique Atlan et Roger-Pol Droit.
Editions de l’Observatoire, Humensis, 2021, ISBN : 979 10 329 1621 6, 256 pages, 21 €