«Votez pour l’Europe ! Votez pour un avenir plus intelligent avec la 5G ! » C’est ce que revendique la campagne de Huawei adressée aux Européens, comme pour contraster avec les efforts des États-Unis contre le géant chinois des télécommunications. Depuis quelques mois, Huawei se trouve en effet au centre d’une nouvelle compétition entre grandes puissances.
Après des décisions similaires prises au Japon, en Australie et à Taiwan, les États-Unis ont formellement interdit à Huawei d’utiliser leurs réseaux de télécommunications en mai dernier. Le Royaume-Uni a d’abord imposé des restrictions à tous les fournisseurs 5G « à haut risque », excluant de fait Huawei des sections centrales de son réseau. Puis il s’est purement et simplement aux demandes américaines d’interdiction.
Les pays qui ont interdit ou restreint l’action de Huawei craignent que l’entreprise, et avec elle d’autres géants technologiques chinois, ne soit soumise à des directives du gouvernement de Xi Jinping – à l’heure actuelle ou dans le futur. Que se passerait-il si le gouvernement chinois pouvait accéder à des réseaux étrangers, tout comme la loi sur le renseignement national de 2017 lui permet de le faire en Chine ? « Personne ne saurait quoi faire et, en tout cas, nous pourrions tirer un trait sur nos activités, sachant qu’il serait trop tard pour annuler des investissements de plusieurs milliards de dollars » explique un ancien haut fonctionnaire des services de renseignement australiens. En s’équipant du matériel de Huawei, les cibles paieraient pour construire une plateforme pour le renseignement et cyber-opérations offensives du gouvernement chinois. Il existe un précédent qui nourrit le scepticisme à l’égard de Huawei.
En 2018, Le Monde a découvert que les ingénieurs de Huawei qui ont installé le système informatique du siège de l’Union africaine avaient intentionnellement laissé une vulnérabilité qui leur a permis de copier des informations sensibles sur des serveurs à Shanghai pendant cinq ans. Pour les Occidentaux, le matériel de Huawei permet la surveillance et la répression dans le Xinjiang, où jusqu’à 1,5 million d’Ouïghours sont détenus sans procès, il en va différemment ailleurs. Mais ces inquiétudes en matière d’activités d’espionnage et de politiques industrielles de la Chine n’ont pas généré un rejet général de la technologie chinoise à l’étranger. « Sur la question de Huawei », déclarait en début d’année un éditorial du journal d’État Global Times, « il y a deux types de pays : ceux qui suivent les États-Unis et boycottent Huawei et ceux qui ne le font pas. L’attitude de la Chine envers ces pays devrait être différente ».
De nombreux pays dans le monde ont ignoré les avertissements des États-Unis et ont permis à Huawei de déployer ses réseaux 5G. La plupart de ces pays, en particulier les économies en développement d’Asie du Sud-Est, d’Amérique latine et d’Afrique, adoptent une démarche pragmatique. Les États-Unis ont un problème de confiance qui leur est propre. Aux yeux de nombreux pays, ils sont tout aussi susceptibles que la Chine d’utiliser des technologies fabriquées sur leur sol comme moyen de surveillance de masse et de manipulation politique.
Avantage Chine
Les révélations d’Edward Snowden, transfuge de la CIA et de la NSA, ont montré que les États-Unis utilisaient leurs missions diplomatiques en Asie du Sud-Est pour surveiller les réseaux de télécommunications. L’Australie par exemple, qui appartient à la communauté de partage de renseignements « Five Eyes », espionnait ainsi des dignitaires indonésiens. « Les États-Unis ont été le plus grand espion du cyberespace tout en se présentant comme une victime. Quelle hypocrisie ! » tweetait le ministère des Affaires Étrangères chinois.
Face à un tel dilemme entre les réseaux américains et chinois, de nombreux pays ont choisi la voie rationnelle, en basant leurs décisions sur des éléments pragmatiques tels que le coût et d’autres facteurs. « Peu importe à qui vous l’achetez, il peut s’agir d’un pays ami, d’un pays hostile ou d’un système que vous pouvez concevoir vous-même - chaque système aura des vulnérabilités », souligne le Premier ministre singapourien Lee Hsien Loong. Or, le matériel 5G de Huawei est généralement considéré comme plus rentable que celui de ses concurrents occidentaux - bien que cela puisse être dû aux subventions publiques dont il bénéficie. Outre l’argument économique, Huawei offre également des solutions qui intéressent de nombreux pays.
Dans des pays qui luttent pour contenir la criminalité ou le terrorisme, disposer d’un système de surveillance présentant les caractéristiques chinoises peut s’avérer précieux. En Équateur, par exemple, l’introduction de systèmes de surveillance chinois a permis de faire baisser le taux de criminalité.
La rentabilité des géants technologiques chinois indique que les efforts des États-Unis pour les exclure du marché mondial n’ont pas porté leurs fruits. En fait, Huawei a même enregistré des bénéfices records en 2019. Et si de nombreux pays craignent de tomber dans un état de bipolarité numérique, leurs actions sont plus éloquentes que leurs déclarations ; tout alliés des États-Unis qu’ils soient, la Thaïlande et les Philippines ont accepté de laisser Huawei construire leur infrastructure 5G. Certains abus ont déclenché une réaction brutale au sein même de la Chine.
Des utilisateurs et des pays en proie à leurs contradictions
À l’image du désenchantement des Américains à l’égard des grandes entreprises technologiques, les internautes chinois se plaignent de la domination et parfois des malversations des géants technologiques de leur propre pays. Robin Li, le fondateur de Baidu (la version chinoise de Google), a provoqué une vive réaction en ligne lorsqu’il a déclaré : « Je pense que les Chinois sont moins sensibles à la question de la vie privée. Lorsqu’ils peuvent échanger leur vie privée contre la commodité, la sécurité et l’efficacité, dans de nombreux cas, ils sont prêts à le faire ». De même, Ant Financial, une filiale du géant du commerce électronique Alibaba, a dû s’excuser auprès des utilisateurs après les avoir automatiquement inscrits à son application de notation sociale. Et WeChat, la plateforme de médias sociaux la plus populaire de Chine, a dû répondre aux accusations selon lesquelles elle stockerait et exploiterait les conversations personnelles des utilisateurs. Mais, tout comme leurs homologues occidentaux, les Chinois n’ont guère d’alternative.
Quoi qu’il arrive dans la guerre commerciale sino-américaine, la Chine continuera à rechercher activement l’autonomie numérique. Et si l’on n’y prend garde, l’éclatement d’Internet, causé par la réaction mondiale à la 5G chinoise, pourra mener à un éclatement de l’Internet, le « Splinternet ».
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La fin du consensus économiqueLa présidente de la Commission européenne Ursula Von Der Leyen lors de laConférence de presse sur la réponse de l'Union européenne à la crise du coronavirus, à Bruxelles, le15 avril 2020.
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Après des décisions similaires prises au Japon, en Australie et à Taiwan, les États-Unis ont formellement interdit à Huawei d’utiliser leurs réseaux de télécommunications en mai dernier. Le Royaume-Uni a d’abord imposé des restrictions à tous les fournisseurs 5G « à haut risque », excluant de fait Huawei des sections centrales de son réseau. Puis il s’est purement et simplement aux demandes américaines d’interdiction.
Les pays qui ont interdit ou restreint l’action de Huawei craignent que l’entreprise, et avec elle d’autres géants technologiques chinois, ne soit soumise à des directives du gouvernement de Xi Jinping – à l’heure actuelle ou dans le futur. Que se passerait-il si le gouvernement chinois pouvait accéder à des réseaux étrangers, tout comme la loi sur le renseignement national de 2017 lui permet de le faire en Chine ? « Personne ne saurait quoi faire et, en tout cas, nous pourrions tirer un trait sur nos activités, sachant qu’il serait trop tard pour annuler des investissements de plusieurs milliards de dollars » explique un ancien haut fonctionnaire des services de renseignement australiens. En s’équipant du matériel de Huawei, les cibles paieraient pour construire une plateforme pour le renseignement et cyber-opérations offensives du gouvernement chinois. Il existe un précédent qui nourrit le scepticisme à l’égard de Huawei.
En 2018, Le Monde a découvert que les ingénieurs de Huawei qui ont installé le système informatique du siège de l’Union africaine avaient intentionnellement laissé une vulnérabilité qui leur a permis de copier des informations sensibles sur des serveurs à Shanghai pendant cinq ans. Pour les Occidentaux, le matériel de Huawei permet la surveillance et la répression dans le Xinjiang, où jusqu’à 1,5 million d’Ouïghours sont détenus sans procès, il en va différemment ailleurs. Mais ces inquiétudes en matière d’activités d’espionnage et de politiques industrielles de la Chine n’ont pas généré un rejet général de la technologie chinoise à l’étranger. « Sur la question de Huawei », déclarait en début d’année un éditorial du journal d’État Global Times, « il y a deux types de pays : ceux qui suivent les États-Unis et boycottent Huawei et ceux qui ne le font pas. L’attitude de la Chine envers ces pays devrait être différente ».
De nombreux pays dans le monde ont ignoré les avertissements des États-Unis et ont permis à Huawei de déployer ses réseaux 5G. La plupart de ces pays, en particulier les économies en développement d’Asie du Sud-Est, d’Amérique latine et d’Afrique, adoptent une démarche pragmatique. Les États-Unis ont un problème de confiance qui leur est propre. Aux yeux de nombreux pays, ils sont tout aussi susceptibles que la Chine d’utiliser des technologies fabriquées sur leur sol comme moyen de surveillance de masse et de manipulation politique.
Avantage Chine
Les révélations d’Edward Snowden, transfuge de la CIA et de la NSA, ont montré que les États-Unis utilisaient leurs missions diplomatiques en Asie du Sud-Est pour surveiller les réseaux de télécommunications. L’Australie par exemple, qui appartient à la communauté de partage de renseignements « Five Eyes », espionnait ainsi des dignitaires indonésiens. « Les États-Unis ont été le plus grand espion du cyberespace tout en se présentant comme une victime. Quelle hypocrisie ! » tweetait le ministère des Affaires Étrangères chinois.
Face à un tel dilemme entre les réseaux américains et chinois, de nombreux pays ont choisi la voie rationnelle, en basant leurs décisions sur des éléments pragmatiques tels que le coût et d’autres facteurs. « Peu importe à qui vous l’achetez, il peut s’agir d’un pays ami, d’un pays hostile ou d’un système que vous pouvez concevoir vous-même - chaque système aura des vulnérabilités », souligne le Premier ministre singapourien Lee Hsien Loong. Or, le matériel 5G de Huawei est généralement considéré comme plus rentable que celui de ses concurrents occidentaux - bien que cela puisse être dû aux subventions publiques dont il bénéficie. Outre l’argument économique, Huawei offre également des solutions qui intéressent de nombreux pays.
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La rentabilité des géants technologiques chinois indique que les efforts des États-Unis pour les exclure du marché mondial n’ont pas porté leurs fruits. En fait, Huawei a même enregistré des bénéfices records en 2019. Et si de nombreux pays craignent de tomber dans un état de bipolarité numérique, leurs actions sont plus éloquentes que leurs déclarations ; tout alliés des États-Unis qu’ils soient, la Thaïlande et les Philippines ont accepté de laisser Huawei construire leur infrastructure 5G. Certains abus ont déclenché une réaction brutale au sein même de la Chine.
Des utilisateurs et des pays en proie à leurs contradictions
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Quoi qu’il arrive dans la guerre commerciale sino-américaine, la Chine continuera à rechercher activement l’autonomie numérique. Et si l’on n’y prend garde, l’éclatement d’Internet, causé par la réaction mondiale à la 5G chinoise, pourra mener à un éclatement de l’Internet, le « Splinternet ».